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leur revanche et chassèrent les envahisseurs. Poursuivant leurs conquêtes, ils s’emparèrent de tous les pays voisins, et rejetèrent sur l’empire romain les populations pures ou mélangées qui se rattachaient à la souche germanique. Aux ve et vie siècles, une partie de la Courlande à l’est, du Mecklembourg à l’ouest, avec tous les pays intermédiaires que nous appelons Prusse proprement dite, Brandebourg, Silésie, Poméranie, appartenait à la race slave[1].

Les Slaves et les Germains étaient également étrangers à ces régions. C’est en conquérans qu’ils y entraient. Ce n’étaient pas des terres désertes que se disputaient les deux races aryennes ; elles avaient également à subjuguer les premiers occupans. Ceux-ci ont laissé bien peu de traces dans l’histoire ; pourtant Tacite parle de Fenni, que M. A. Maury place aux embouchures de la Vistule ; les Phinni et les Zoumi ou Suomes de Strabon et de Ptolémée habitaient quelque part en Pologne, les Estes de Jornandès étaient établis fort au sud des Esthoniens actuels. Ces peuples n’étaient ni germains ni slaves ; ils faisaient partie de ce groupe de races humaines qu’on a nommées tour à tour races tchoudes, mongoloïdes, touraniennes, nord-ouraliennes, qui sont plus généralement connues sous le nom de races finnoises, et dont la plupart se rattachent à la branche allophyle du tronc blanc[2].

Les anciens historiens ne pouvaient donner aucune notion sur l’origine de ces races. Il est bien douteux qu’ils les aient distinguées des populations voisines. Les recherches modernes ont fait connaître peu à peu les caractères qui les isolent, leur nombre, leur importance et les rapports existant entre elles. La linguistique comparée a rendu à ce point de vue d’immenses services, et tous les progrès accomplis dans ce sens ont longtemps été dus à peu près à elle seule[3]. Or cette science montre les populations dont il s’agit comme partagées en une vingtaine de petits peuples qui ne comptent pas ensemble quatre millions d’individus, presque tous isolés

  1. Je n’ai pas à m’occuper ici des autres contrées possédées par les Slaves et de l’extension de cette race en tout sens. Le lecteur que la question intéresserait n’a qu’à consulter les deux curieuses cartes publiées par M. Duchinski comme appendice au travail de M. Viquesnel (Coup d’œil sur quelques points de l’histoire générale des peuples slaves). Parmi les autres historiens, linguistes, géographes ou anthropologistes, dont je résume ici les opinions, je me borne à citer Cantu, H. Martin, A. Maury, Latham, Malte-Brun, Prichard, etc.
  2. Les races blanches forment trois groupes principaux ou branches : la branche aryenne, la branche sémitique et la branche allophyle. On pourrait critiquer cette dernière dénomination, mais elle est généralement usitée dans la science.
  3. Parmi les auteurs qui se sont le plus occupés des races finnoises, il faut mentionner A. Castrén et A.-E. Ahlgvist, qui tous deux les ont visitées l’une après l’autre. M. E. Beauvois a résumé leurs travaux, en ajoutant ses propres recherches, dans un ouvrage intitulé Études sur la race nord-altaïque.