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teurs de vénerie seront frappés de la singularité de cette ramure. La femelle ou la biche est absolument dépourvue de bois. La queue, longue de 50 à 60 centimètres, contribue beaucoup à donner au mi-lou un aspect étrange quand on le compare aux autres espèces du groupe des cerfs. C’est donc non pas seulement une belle espèce nouvelle pour la science qu’a découverte le père A. David, mais une nouvelle forme animale.

Le cerf du parc des empereurs de la Chine a causé une surprise parce qu’il a des caractères exceptionnels ; il offre encore des sujets d’étonnement. Cet animal, devenu presque domestique, n’existe-t-il plus en liberté ? Cette supposition n’est pas très vraisemblable, et cependant jusqu’ici le mi-lou n’a été rencontré nulle part à l’état sauvage, malgré toutes les explorations faites en Asie. On a pensé qu’il habite quelque partie du Thibet où les Européens n’ont pas pénétré ; seulement, si le fait est réel, le mi-lou vit dans une région passablement circonscrite, car les grandes montagnes de l’Asie centrale ont été visitées par un grand nombre de voyageurs, et l’existence du fameux cerf n’a jamais été signalée. Les anciens missionnaires en Chine ne se sont occupés d’aucune question relative à l’histoire naturelle ; il est donc tout simple de n’attendre de ce côté aucun renseignement sur les animaux qu’on pouvait voir à Pékin ; mais ils ont tracé de minutieuses descriptions de la résidence impériale, et c’est en vain que nous avons cherché une mention de ce parc, si vaste qu’il faudrait marcher une journée pour en faire le tour. Seulement on lit dans les Voyages de M. de Guignes que, pendant le séjour à Pékin, en 1794 et 1795, de M. Titzing, l’ambassadeur de Hollande, l’empereur envoya entre autres présens des queues de cerf : c’étaient probablement des queues de mi-lou.

Lorsque le père Armand David fit la découverte du grand mammifère qui a tant intéressé les naturalistes, il était à Pékin depuis quatre ans, et, ne voyant plus d’utilité à demeurer davantage dans cette ville, il songeait à de nouveaux champs de recherche. Les provinces centrales de la Chine ne pouvaient manquer d’attirer celui qui avait complètement étudié l’état de la nature dans une province du nord. En effet, il ne tardera pas à les explorer, et d’avance nous comprenons que d’importans résultats vont exciter notre intérêt. Auparavant nous devons suivre le digne missionnaire dans une partie de la Mongolie qu’aucun Européen n’a visitée avant lui : ce sera l’occasion d’apprendre comment voyage un scrutateur de la nature très peu soucieux de son bien-être et très préoccupé par l’idée de conquérir des trésors scientifiques.

Émile Blanchard.
(La seconde partie à un prochain numéro.)