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LES


APPROVISIONNEMENS DE PARIS


À LA FIN DU SIÈGE




I.

Après cent trente-cinq jours de siège, Paris a été obligé de cesser sa résistance. La convention conclue entre M. de Bismarck et M. Jules Favre porte la date du 28 janvier ; ce jour-là, il ne nous restait plus que pour dix jours de pain, — et de quel pain ! — à raison de 300 grammes par jour, c’est-à-dire d’une demi-ration tout au plus. On ne pouvait retarder davantage les négociations sans exposer la population à une catastrophe effroyable. On avait atteint, quoi qu’en aient pu dire les clubs et certains journaux, la dernière limite de la résistance possible. Ajoutons qu’à l’époque de l’investissement il ne venait pas à la pensée des esprits les plus portés à l’optimisme que Paris bloqué pût subsister pendant quatre mois et demi sans être ravitaillé. Les renseignemens officiels publiés à la fin de septembre n’assignaient qu’une durée de deux mois et demi ou trois mois aux approvisionnemens de pain et de viande. On peut donc affirmer que la résistance de Paris a dépassé de plus de six semaines toutes les prévisions, même celles du gouvernement.

À qui revient le mérite de ce résultat si inattendu et si honorable ? Faut-il l’attribuer à la sage prévoyance du pouvoir, aux mesures intelligentes de M. le ministre du commerce et de la commission des subsistances, aux décrets de M. le délégué du gouvernement à la mairie de Paris, à l’expérience administrative des maires des vingt arrondissemens, à l’activité dévorante de leurs subordonnés ? Sans vouloir se montrer sévère, il est bien permis de dire que l’administration est demeurée fort au-dessous de sa tâche, et que, si la population parisienne a pu vivre pendant ces quatre mois et demi d’un blocus absolu, ce n’est point parce que l’administration s’est mêlée de la nourrir, mais quoiqu’elle s’en soit mêlée.