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demeure assez vaste. En tout cas, par les graves conséquences qu’elle peut entraîner comme par la multiplicité des intérêts qu’elle embrasse, elle mérite d’être étudiée de près et d’exciter, quand le moment sera venu, le zèle de l’administration des beaux-arts.


I.

Avant tout, il faut se défaire des préjugés qui prétendent établir une ligne de démarcation absolue, une limite infranchissable entre ce qu’on appelle l’art industriel et ce qui n’appartiendrait qu’à l’art proprement dit. L’art est un. Il y a sans doute des degrés dans la valeur esthétique des produits, une hiérarchie toute naturelle dans les diverses manifestations du talent ; on ne saurait, cela est évident, estimer au même prix un morceau peint ou sculpté par un maître et une œuvre fabriquée par un artisan habile. S’il s’agissait donc simplement d’apprécier l’importance relative des résultats, rien ne serait plus juste que la distinction qu’on entend maintenir ; mais là où le principe lui-même est en cause, où les conditions générales sont à déterminer et les moyens d’instruction préparatoire à fournir, il n’y a pas deux manières d’envisager les choses, il ne doit y avoir qu’un ordre de préceptes et qu’un mode d’enseignement..Le but commun et unique de cet enseignement élémentaire, c’est de donner aux élèves, quels qu’ils soient, des idées saines et des notions exactes ; c’est non pas d’approprier les procédés de l’art au futur métier de chacun, mais au contraire d’initier chaque intelligence aux secrets du beau, aux lois du vrai, à tout ce qui peut l’alimenter dès à présent, la fortifier, la prémunir. Sous ce rapport, les tentatives de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie nous semblent véritablement méritoires. Au lieu d’un enseignement subordonné aux préférences ou aux convenances personnelles, c’est-à-dire spécialisé en raison des diverses professions auxquelles les élèves se destinent, l’Union centrale entend donner un enseignement général, installer une doctrine fixe, établir une étude toute scolaire du dessin. Elle veut aussi, et rien n’est plus sage, débarrasser cette étude des inutiles difficultés qui la compliquent, en simplifier et en renouveler les conditions dans la pratique, enfin substituer partout l’action de l’esprit et les recherches sincères à la patience ou aux habitudes routinières de la main.

Or, pour faire prévaloir sur ces coutumes mécaniques les principes et les vues d’ensemble, quel meilleur moyen que de proposer dès le début aux élèves des modèles consacrés par l’admiration unanime, que de les familiariser tout d’abord avec les exemples