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tout le monde puisse s’assurer que ces sommes vont à destination, il y aura, dans la trésorerie de l’église cathédrale de chaque diocèse un archivium publicum où sera gardé l’argent affecté à l’œuvre.

La guerre depuis longtemps soulevée entre les héritiers du royaume de Castille est un grand obstacle à la reprise de la terre-sainte. La cause de celui qui détient le royaume (Ferdinand IV), est notoirement injuste. Le fils aîné (Ferdinand de La Cerda) du roi (Alphonse X), qui fut appelé à l’empire, a épousé Blanche, fille de saint Louis : or il a été convenu entre saint Louis et Alphonse, X que, si ce fils mourait avant son frère, les enfans qu’il laisserait lui succéderaient. Eh bien ! en dépit de cette convention, contre le droit commun, et contre toute loi naturelle et divine, le roi (Alphonse X) a donné la couronne à son autre fils (don Sanche), au préjudice de ses petits-fils. Que le pape, pour mettre fin à une pareille injustice, accuse hautement le détenteur de commettre un péché mortel en gardant un royaume qui n’est pas à lui, et en tolérant les Sarrasins, qui tiennent de lui moyennant tribut le royaume de Grenade[1]. Que le pape donne ensuite le royaume de Grenade au fils aîné de Ferdinand de La Cerda (Alphonse, de La Cerda), et à son frère (Ferdinand) le royaume de Portugal ou un autre des nombreux royaumes occupés injustement par don Sanche ; qu’il laisse à don Sanche le royaume de Castille, à la condition qu’il fournira des troupes de pied et de cheval pour aider le futur roi de Grenade à chasser les Sarrasins. Il serait utile que les rois d’Aragon, de Navarre, de Majorque et les autres princes espagnols vinssent également au secours du nouveau roi de Grenade. Une fois les Sarrasins expulsés, le roi de Grenade resterait pour défendre son royaume ; les autres rois et princes d’Espagne pourraient comme tout le monde faire le voyage de terre-sainte, si bien que tous les peuples de langue d’oc (lingadoc) ne feraient qu’une seule armée. En passant, cette armée conquerrait le royaume de Sardaigne pour Frédéric d’Aragon, afin que celui-ci à son tour abandonnât au roi véritable (Charles II d’Anjou) le royaume de Sicile.

Qu’il y ait en tout quatre armées. Trois armées iront par mer ; la quatrième, la plus considérable, ira par terre, à l’exemple de Charlemagne, de l’empereur Frédéric Ier et de Godefroi de Bouillon. Peut-être les infidèles, sachant que tant de peuples vont venir les accabler, abandonneront-ils d’eux-mêmes la terre de promission. S’ils agissent ainsi, sans avoir détruit les forteresses ni pillé les reliques et les vases sacrés, on pourra les épargner ; autrement ils devront être exterminés. Lorsque les princes, après avoir laissé

  1. Tout ceci se rapporte à don Sanche IV, qui était mort depuis 1295 ; son fils Ferdinand IV n’avait que dix ans à la mort de son père. Du Bois suppose que le règne du père dure toujours.