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tations ou de légèreté ; c’est ce qui l’a perdue, c’est ce qui peut mettre encore en péril sa régénération. Qu’on y songe bien : pour tous ceux qui ont le culte de leur pays, pour tous ceux qui gardent leur fidélité aux idées, aux principes de la société moderne, la révolution française, qui a créé cette société, passe aujourd’hui par une crise redoutable. Il s’agit en un mot de savoir si un jour, en racontant l’histoire navrante de notre temps, on pourra écrire : L’ancienne monarchie avait fait la France, la révolution l’a laissée périr. Voilà ce que les esprits sérieux doivent désormais avoir toujours présent à la pensée.

ch. de mazade.


LES CELTES DU PAYS DE GALLES
et leur littérature.

La principauté de Galles avec ses douze comtés forme une partie importante du royaume-uni de Grande-Bretagne et d’Irlande ; cependant la langue, les mœurs, la littérature de ce coin de terre, sont choses presque ignorées, ou peu s’en faut, du public européen, et le peuple anglais lui-même n’a du peuple gallois que des idées vagues et souvent chimériques. Plus d’un Anglais a parcouru le pays de Galles en touriste ou en industriel : selon la tournure de son esprit, il a gravi la montagne du Snowdon et goûté les beautés que le sol romantique et pittoresque de la principauté présente au voyageur, ou bien, en homme porté vers le côté pratique des choses, il a visité les forges de Merthyr Tydfil et les établissemens miniers du Taff Vale ; mais il ne s’est généralement pas inquiété de la population qu’il avait devant lui. Les Anglais regardent volontiers leurs voisins de Galles comme des demi-barbares dépourvus de langue littéraire et presque sans civilisation. Une population comprise dans l’empire britannique qui se tient à l’écart de « l’église établie, » et surtout qui ne parle pas anglais, peut-elle être aux yeux du cockney de Londres, une population civilisée ? Des écrivains courageux essaient de détruire ce préjugé, fortement enraciné dans l’esprit anglais ; ainsi le faisait récemment M. Matthew Arnold dans son livre de l’Étude de la littérature celtique ; néanmoins, malgré les efforts de quelques lettrés, le temps n’est pas encore venu où pleine justice sera rendue dans le royaume-uni à la race et à la langue du pays de Galles.

Les Gallois sont les descendans directs et les héritiers légitimes de la population indigène que les Romains trouvèrent en Grande-Bretagne. Cette population était sur la voie de l’assimilation au monde latin, lorsque les incursions dévastatrices des flibustiers du nord et finalement l’invasion des Angles, des Saxons, des Frisons et des Jutes renversèrent