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22 décembre.

Froid, neige et verglas, c’est-à-dire torture ou mort pour ceux qui n’ont pas d’abri, peut-être pour les pauvres de Paris, car on dit que le combustible va manquer. — On déménage Bourges de son matériel. — Petits combats dans la Bourgogne. Garibaldi est là et annonce sa démission. Je m’étonne qu’il ne l’ait pas déjà donnée, car, s’il y a des héros dans ces corps de volontaires, il y a aussi, et malheureusement en grand nombre, d’insignes bandits qui sont la honte et le scandale de cette guerre. — Toujours sans nouvelles de nos armées, tranquillité mortelle !

23, 24 décembre.

Depuis deux jours, bonnes nouvelles de Paris, de l’armée du nord et de celle de la Loire. On est si malheureux, on voit un si effroyable gaspillage d’hommes et d’argent, qu’on doute de ce qui devrait réjouir. Quelle triste veillée de Noël ! Je fais des robes de poupée et des jouets pour le réveil de mes petites-filles. On n’a plus le moyen de leur faire de brillantes surprises, et l’arbre de Noël des autres années exige une fraîcheur de gaîté que nous n’avons plus. Je taille et je couds toute la nuit pour que le père Noël ne passe pas sur leur sommeil de minuit les mains vides. Nous étions encore si heureux l’année dernière ! Nos meilleurs amis étaient là, on soupait ensemble, on riait, on s’aimait. Si quelqu’un eût pu lire dans un avenir si proche et le prédire, c’eût été comme la foudre tombant sur la table.

25, dimanche.

La neige tombe à flots. Ma nièce et son fils aîné viennent dîner, on tâche de se distraire, puisque les bonnes nouvelles ne sont pas encore démenties ou suivies de malheurs nouveaux ; mais on retombe toujours dans l’effroi du lendemain.

26.

Les communications sont rétablies entre Vierzon et Châteauroux. On saura peut-être enfin ce qui s’est passé par là.

27.

On ne le sait pas. Le froid augmente.

28.

Lettre de Paris du 22. Ils disent qu’ils peuvent manger du cheval pendant quarante-cinq jours encore.