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qu’une habitation de peu d’importance ; d’autres qui le sont moins, étant obligés à plus de représentation, ont des loyers plus chers. Nous vivons au milieu de ces inégalités, et nous les supportons, parce que l’égalité absolue et la proportionnalité exacte sont difficiles en fait d’impôts ; nous n’y arrivons qu’avec l’impôt indirect.

La raison en est bien simple : cet impôt est mêlé à une consommation que nous faisons ou à un acte que nous accomplissons ; chacun le paie en proportion de la part qu’il prend à la consommation ou à l’acte imposé, et comme cette part est elle-même proportionnée à la fortune, il en résulte que l’impôt indirect est le plus égal de tous les impôts. Cependant, direz-vous, on ne consomme pas toujours en raison de sa fortune, surtout quand il s’agit d’objets de première nécessité ; la personne qui a 10,000 francs de rentes par exemple ne boit pas dix fois plus de vin et n’emploie pas dix fois plus de sel que la personne qui en a 1,000. La différence entre la consommation de l’une et de l’autre est peut-être très légère, et il y en a une très grande dans le poids dont pèse l’impôt ; l’une le paie sur le nécessaire et l’autre sur le superflu. On peut ajouter à cela que le pauvre, qui s’approvisionne en détail, qui boit le vin au litre, subit encore la taxe sous sa forme la plus lourde, ce qui fait dire « que c’est une taxe progressive à rebours qui frappe d’autant plus qu’on est moins riche. » Il est certain qu’en s’approvisionnant en détail on paie tout plus cher qu’en s’approvisionnant en gros. On est obligé de rémunérer les services de ceux qui tiennent la marchandise à votre disposition en aussi petite quantité qu’on le désire ; ces services-là sont très onéreux, et ce n’est pas la suppression de l’impôt qui en diminuerait le prix. Quant à l’objection que le riche ne consomme pas les objets de première nécessité en plus grande quantité que le pauvre, en proportion surtout de sa fortune, elle est plus spécieuse que fondée. L’impôt retombe toujours sur celui qui peut le supporter. Si c’est l’ouvrier qui le paie, il le fait entrer dans le taux de son salaire, ou, s’il travaille pour son propre compte, il en est remboursé par celui qui consommera ses produits, et comme en définitive, sous une forme ou sous une autre, la consommation est toujours égale aux facultés, chacun paie ce qu’il doit payer et rien de moins. Celui qui ne consomme pas directement, qui économise une partie de son revenu, consomme indirectement par ceux auxquels il prête ce qu’il a économisé ; cette part est grevée de l’impôt qui se trouve dans le prix des choses. Si elle ne l’était pas, elle aurait plus de valeur et rapporterait plus d’intérêt. Par conséquent, quoi qu’on fasse, que l’on consomme par soi-même ou par autrui, on ne peut pas échapper à l’impôt dans la proportion de sa fortune. Il est comme une assi-