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II.

La connaissance de l’histoire de la peste bovine est plus nécessaire pour combattre ce fléau que la notion de ce que la médecine nous apprend sur la nature, le traitement et même sur les modes de manifestation de la maladie ; mais cette histoire ne remonte pas très haut dans le passé. Pour affirmer que telle ou telle épizootie qui a régné à une époque éloignée était, bien la peste bovine, il faudrait avoir sur l’origine de cette épizootie et les contrées qu’elle a envahies, sur ses symptômes et ses lésions cadavériques, des détails que les anciens auteurs négligent quand ils mentionnent les maladies des bestiaux. C’est seulement lors de l’épizootie qui sévit en Europe au commencement du xviiie siècle que furent données avec précision des indications pouvant faire connaître l’origine, les causes de la propagation, et les caractères du mal. À cette époque, elle fit éprouver à l’Italie et à plusieurs autres états des pertes considérables. Deux grands médecins italiens nous en ont laissé la description. D’après Ramazzini, qui la comparait à la petite vérole, et l’appelait variole du bœuf, presque tous les malades avaient une éruption à la peau et en mouraient. Lancisi la considérait comme une peste, ainsi que l’indique le titre de son ouvrage : De peste bovilla. Les caractères de cette maladie, selon lui, rentrent à peu près dans la définition donnée de la peste par Hippocrate : maladie suraiguë, subite, très grave, très contagieuse, qui affecte beaucoup d’individus en fort peu de temps. Comme symptômes, il signale une grande agitation ; des mouvemens violens précèdent la tristesse, des grincemens de dents, des frissons, un écoulement abondant par les naseaux, ce qui faisait appeler la maladie peste morveuse ; une respiration difficile, plaintive, l’air expiré fétide ; la perte de l’appétit, des vésicules dans la bouche, des nausées, la dyssenterie, une grande faiblesse. À l’autopsie, il trouvait des ulcères à la bouche et à l’œsophage, le foie malade, les intestins sphacélés, et le troisième estomac rempli d’alimens secs. Convaincu que la maladie ne se produit que par la contagion, il prescrivit ou fit prescrire la suspension des foires et des marchés, la séquestration des malades, l’interdiction absolue des pays sains aux personnes habitant les pays infectés, l’abatage des chiens errans ; il fit défendre aux maquignons de continuer leur industrie, qui consiste en achats à vil prix d’animaux qui ont été exposés à la contagion pour les revendre ailleurs ; il interdit la vente des cuirs frais et imposa l’obligation d’enterrer dans des fosses profondes les cadavres des animaux, que des cultivateurs ignorans et apathiques jetaient dans le