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peste bovine, tandis que l’Angleterre et la Hollande en éprouvèrent des pertes énormes. Il ne peut donc pas y avoir d’hésitation sur la convenance de pratiquer l’abatage au début de l’épizootie dans un pays. En sacrifiant les animaux malades et les animaux suspects, on arrête la maladie, on n’a qu’un petit nombre d’animaux à sacrifier, et on sait que l’épizootie est toujours très meurtrière à sa période de début. Quel regret peut-on avoir de faire abattre quelques animaux, alors que l’épizootie enlèverait les dix-neuf vingtièmes de ceux qu’elle attaquerait, et qu’elle les attaquerait presque tous ? Quand néanmoins la maladie est répandue sur une large surface, surtout si elle y règne depuis longtemps et si elle a perdu de sa gravité, les avantages paraissent problématiques. La question s’est présentée plusieurs fois, et elle a été résolue de différentes manières. Il est rare néanmoins qu’au temps actuel surtout il n’y ait point bénéfice à pratiquer l’abatage. Lorsqu’on faisait abattre des bestiaux du temps de Vicq-d’Azyr, c’était pour le cultivateur une perte sèche. Il ne retirait même pas les peaux des victimes, car on les faisait taillader, hacher, afin que les malheureux ne fussent pas tentés d’aller les déterrer pour se les approprier. Le propriétaire ne pouvait en général espérer d’autre dédommagement que la légère indemnité accordée par l’état, quand il en accordait. Par suite de la grande consommation de viande qui se fait de nos jours dans tous les pays et de la facilité des transports, nous avons des ressources qui manquaient à nos pères. Nous ne sommes pas réduits, comme en 1774, à perdre complètement les animaux malades abattus. Alors on les conduisait sur les bords d’une fosse où on les enterrait après les avoir assommés. On avait soin de ne rien laisser sur les bords de la fosse, ni sur le chemin parcouru pour y arriver. Tout était perdu pour le cultivateur ; aujourd’hui tous les produits peuvent être utilisés à son profit. Aussitôt qu’on apprend qu’un animal a été exposé à la contagion, qu’il est suspect, parce qu’il a cohabité ou simplement voyagé avec des bêtes malades, on a intérêt à en tirer parti soit en l’exportant dans un centre de consommation, soit en l’abattant sur place pour en utiliser la viande. À la vérité, si on emploie le premier moyen, on peut craindre que les animaux exportés ne deviennent malades en route ; qu’ils ne disséminent sur les voies parcourues à travers les jointures des planches des voitures ou des wagons des liquides contagieux, que ces matières tombées dans les gares ou sur les passages à niveau ne propagent l’épizootie ; mais on peut éviter les accidens en ne conduisant les animaux que dans des lieux peu éloignés, en fixant la durée du voyage à vingt-quatre heures par exemple, en ne permettant de les transporter que dans des pays infectés, en refusant