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dont seuls les médecins expérimentés sont capables. « Quand même, ajoutait-on, avec les soins les plus constans et en employant les remèdes les plus appropriés, on aurait une espérance raisonnable d’en sauver un sur trois, le propriétaire serait exactement indemnisé du sacrifice des bestiaux tués en recevant le tiers de leur valeur, et, si l’espérance était presque nulle, comme tout le prouve, le paiement de ce tiers est un pur acte de bienfaisance du roi envers ses sujets. »

De nombreux exemples ont montré l’utilité de cette mesure. Ainsi, pendant que la Gascogne et la Guyenne éprouvaient en 1775 des pertes si grandes, que les cultivateurs de ces provinces étaient réduits à laisser les terres incultes faute de bétail pour exécuter les travaux ruraux, et que le gouvernement accordait une indemnité de 24 livres par tête de cheval ou de mulet propre au service du labour vendu aux foires de Libourne, d’Agen et de Condom, le Périgord, le Languedoc, administrés par des intendans intelligens, parvinrent par de légers sacrifices à diminuer considérablement les ravages de la maladie.

La Suisse, au siècle dernier et plusieurs fois dans le courant de celui-ci, a pratiqué avec succès la mesure de l’abatage. Écrivant à Bourgelat, Haller s’en félicitait. « Nos voisins et vos gens de la Franche-Comté, lui disait-il, ont voulu guérir leur bétail et le soustraire au massacre. Tout ce qu’ils ont gagné, c’est que le mal a duré des années entières et a ravagé à diverses époques plusieurs de leurs districts. » Le grand physiologiste répondait à Bourgelat, qui lui savait écrit : « Mes principes sont établis sur des faits et confirmés sous mes yeux par l’expérience, et cependant j’ai grand besoin d’une autorité aussi respectable que la vôtre pour me faire écouter. » — Il reste toujours au centre des pays infectés par l’épizootie des étables, des fermes, des villages même où le mal n’a pas pénétré. Ce qui a lieu quand les épizooties envahissent un état se produit quand elles attaquent un département, un canton, une commune. En agissant avec vigueur, on sauve les villages et les étables restés indemnes. On détruit les premiers foyers de l’infection avant qu’elle ait exercé tous ses ravages ; mais qu’on se garde bien d’une loi aussi sévère que l’abatage des animaux, disait Vicq-d’Azyr, lorsqu’on n’a pas assez de courage pour la faire exécuter partout en même temps, car, au lieu d’une mesure utile, on n’exercerait qu’une suite de vexations. Il ne peut y avoir intérêt à temporiser, à traiter les malades que là où la maladie est bénigne, ce qui arrive quelquefois quand elle est ancienne dans le pays ; seulement il ne faut jamais lui laisser le temps de prendre ce caractère.

En 1865, la Suisse, la France et la Belgique se préservèrent de la