Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/683

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Capet sur l’armée et les grands vassaux, soit pour tout autre motif, il commit à cet instant décisif la même faute que ses devanciers : après avoir vaincu, il ne sut pas retenir le fruit de sa victoire. L’armée repassa la Meuse, et les féodaux, mécontens, se dispersèrent aussitôt. Ce fut alors la revanche de l’Allemagne. En trois mois, à la voix d’Othon, elle se leva unanimement pour venger l’injure que les Welches lui avaient faite. Des hordes innombrables entrèrent en France, dévastèrent le pays de Reims, de Laon, de Soissons, saccagèrent le château de Compiègne, puis marchèrent sur Paris. Nos ennemis connaissaient déjà la route naturelle ouverte à l’est aux invasions et le point éternellement vulnérable du territoire gallo-franc. Dans les derniers jours de l’an 978, la grande armée d’outre-Rhin posait son camp sur les hauteurs de Montmartre. Lothaire, surpris à son tour, s’était retiré vers Paris, où Hugues disposait tout pour une résistance aussi énergique que celle qu’Eudes, son aïeul, avait opposée jadis aux Normands. Ainsi le suzerain en était réduit à se réfugier derrière les murailles de son vassal. Certes ce n’était point là une vaine protection ; Hugues Capet était si bien le véritable chef du pays, qu’à l’appel de ce prince une foule de soldats et de seigneurs accoururent vers les rives de la Saine. Le mouvement eut quelque chose de si enthousiaste, qu’Othon, effrayé des suites de sa victoire, n’osa pas entreprendre régulièrement le siège de Paris. Satisfait sans doute d’avoir rendu aux Français la visite de bravade que ceux-ci lui avaient faite à Aix-la-Chapelle, il leva bientôt le camp et reprit la route d’Allemagne, non sans être poursuivi l’épée dans les reins par Lothaire et Hugues, qui à deux reprises taillèrent en pièces ses soldats.

Il semble que dans ce retour offensif Lothaire n’eût dû s’arrêter qu’aux bords du Rhin ; mais son élan cette fois encore demeura timide et incomplet. La gloire de David, c’est-à-dire de Hugues, chantée sur le mode lyrique par les peuples, offusquait ce nouveau Saül ; la jalousie l’empêcha de tenter le coup d’audace qui eût pu le sauver, il aima mieux négocier secrètement avec Othon et lui céder la Lorraine (980). Un tel traité équivalait à l’arrêt de mort de la dynastie carlovingienne. Quand la nouvelle en fut connue, un immense cri de douleur et d’indignation éclata dans la France du nord, et dès ce jour commença de circuler de bouche en bouche la légende de saint Valéry apparaissant à Hugues Capet pour lui annoncer qu’il serait roi, et que la couronne demeurerait sur le front des siens durant de nombreuses générations. L’église elle-même, d’abord hostile, était entrée peu à peu dans le courant qui devait porter sur le trône les princes capétiens ; elle devenait nationale. Les évêques de ce temps n’offraient plus la moindre ressemblance avec les pères