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signé pour les besoins d’une campagne, quelques milliers d’hommes se retrancheront en quelques jours aussi aisément et aussi sûrement que les Prussiens s’étaient retranchés devant Metz. Il est vrai que les habitans de Metz ne croient pas à la force des positions prussiennes. Ils ont vu nos soldats enlever les batteries ennemies à Retonfay, à Flanville, à Sémécourt, et revenir en arrière, non parce qu’on rencontrait des obstacles insurmontables, mais uniquement parce que le général en chef n’envoyait aucun renfort aux troupes engagées et déjà victorieuses. Peut-être aussi découvrirons-nous qu’autour de Paris nos généraux ont été dupes de l’apparence de la force, qu’au commencement du siège ils ont pris des ouvrages insignifians et à peine ébauchés pour des retranchemens inexpugnables. Du moins les Prussiens déclarent-ils à Versailles que, pendant bien longtemps, il nous a été possible et même facile de nous frayer un chemin entre Clamart et Villejuif.

Les combats du 6 et du 7 octobre, les derniers qu’ait livrés le maréchal Bazaine, ont laissé leurs traces au village de Saint-Remy, où il ne reste plus que des pans de murs noircis, où les rares maisons qui se tiennent encore debout ne se composent que de quatre murailles sans portes, sans fenêtres, sans toit. On voit de loin, dans les fermes isolées des environs, les larges trous creusés par les boulets. Le rideau d’arbres épais sous lequel s’abritait le château de Ladonchamps a été traversé et percé par les obus comme un rempart dans lequel le canon aurait fait brèche. Ses vieux murs ont résisté à la pluie des projectiles ; mais le toit d’ardoise, défoncé, montre ses blessures béantes. Au-delà commence la zone de dévastation qui annonce le voisinage d’une place de guerre. Jusqu’aux moindres arbustes, tout a été rasé par nous-mêmes, comme si Metz avait à craindre une attaque de vive force entre les canons de ses remparts et les canons de ses forts. Cette campagne, autrefois peuplée de jardins, offre aujourd’hui une surface aussi nue qu’un champ de manœuvres. Que de sacrifices inutiles nous avons faits ainsi, que de vains efforts pour rendre les places imprenables en face d’un ennemi qui ne monte pas à l’assaut, et qui bloque les villes au lieu d’y lancer ses soldats ! L’illusion constante de nos généraux a été de croire qu’ils seraient attaqués, de prendre des précautions infinies pour se mettre en garde contre les opérations offensives des Allemands, tandis que ceux-ci ne songeaient au contraire qu’à nous user par la famine, à nous forcer, pour ne pas mourir de faim, à les attaquer eux-mêmes dans des positions choisies d’avance et fortifiées par eux.

Voici Metz avec ses glacis, avec le labyrinthe de ses fortifications savantes, avec les lignes brisées de ses remparts, avec ses poternes, ses ponts-levis, ses fossés profonds. Pas un boulet ennemi n’a