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qu’ils n’ont pas gagné durant cette période ne parlent jamais des bénéfices qu’ils ont faits chez nous, et qui sans doute les avaient engagés à quitter leur pays. Enfin ils n’évaluent pas en argent les services réels que beaucoup d’entre eux ont pu rendre à l’autorité militaire. Il est par trop étrange de voir aujourd’hui un ouvrier, devenu éclaireur dans l’armée prussienne, réclamer les gages qu’il eût gagnés, s’il fût resté chez son maître à Strasbourg, ou un employé du chemin de fer de l’Est, dépossédé de son emploi et nommé membre important de la commission allemande de Carlsruhe, qui a exploité la ligne de Kehl à Paris, porter en compte les appointemens que la compagnie française ne lui a pas payés durant ces six derniers mois ! Ces sortes de procédés permettent de grossir les chiffres ; mais il est bon, dans l’intérêt de la vérité, de juger ces chiffres pour ce qu’ils sont.

Les travaux préparatoires faits de longue date par les élèves des forêts, les ingénieurs, les officiers prussiens, ont eu ce résultat, qu’au lendemain de la première victoire l’autorité allemande a pu arrêter avec une précision remarquable les limites du nouveau gouvernement. Il suffit de voir avec quel soin cette frontière, qui ne devait être consacrée par les traités que six mois plus tard, a été tracée, pour y reconnaître les lentes recherches et les études de détail que l’Allemagne sait associer aux travaux d’ensemble. Du canton de Cattenom jusqu’à celui de Sénecourt au nord, la ligne de démarcation suit des hauteurs qui sont un rempart naturel ; plus loin, elle fait une pointe qui éloigne la France de Metz, puis elle profite habilement des marais, si peu remarqués jusqu’ici, de Saint-Benoist, d’Haumont et de La Chaussée. De là jusqu’à Schirmeck, elle est défendue par une série de collines non interrompues. Durant les préliminaires, l’opinion publique en France pouvait avoir quelques doutes sur les conditions de la paix ; cependant pour un habitant de la Lorraine allemande ou de l’Alsace toute incertitude, même dans les détails, était impossible : les cantons frontières qui devaient rester à l’Allemagne étaient ceux où les fonctionnaires des finances allemands avaient remplacé depuis deux et trois mois déjà les fonctionnaires français. Dans ceux qu’on devait laisser à la France, le maire percevait seul l’impôt composé pour le compte de l’armée d’occupation. Aux limites du 31 août, l’état-major n’a fait qu’un changement ; il a détaché des Vosges les parties des cantons de Schirmeck et de Saales qui appartiennent à la vallée de la Bruche (ordonnance du 7 novembre). Cette vallée en effet s’ouvre sur la plaine d’Alsace, son importance stratégique ne permet pas de la laisser à la France ; les préliminaires nous ont de plus promis Belfort, et le traité définitif a modifié sur quelques points la frontière du nord-ouest. D’après les Geographische Mittheilungen de Petermann, le