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et plus dévouée que l’Ecosse expirante. C’est tout un drame que cette histoire de l’union de la France et de l’Ecosse, et le dernier acte en a été la fin tragique de Marie Stuart. Tant il y a qu’Edouard III, au plus fort de la guerre qu’il soutenait contre David II, ayant retrouvé la main secourable de Philippe de Valois, qui fournissait de l’argent au Baliol et lui ouvrait asile, la brouille s’ensuivit, et, la colère l’emportant sur la prudence, Edouard III commit une faute qu’explique seule la passion. La conduite politique de Philippe de Valois n’était point une provocation. Edouard avait commencé par accueillir un ennemi, un proscrit du roi Philippe, le fameux Robert d’Artois, de la maison de France, feudataire violent, ambitieux et plein d’astuce, qui venait d’être condamné par la cour des pairs dans un procès où sa probité avait été frappée d’une tache indélébile. Reçu affectueusement par le roi Edouard, dont il était le neveu, il y acquit du crédit par son habileté, et s’y rendit utile par des services. Sous son influence, et à son instigation, Edouard reproduisit la revendication de son droit prétendu à la couronne, qu’il semblait avoir abandonné en prêtant l’hommage dont nous avons parlé. Cette querelle tourna, pour le moment du moins, au préjudice du roi Edouard, car, en se donnant l’embarras d’une guerre sur le continent, il diminuait ses ressources pour la guerre d’Ecosse. Poursuivant à la fois la couronne de France et la couronne d’Ecosse, il n’obtint rien du tout, et ne réussit point à décider l’Allemagne à s’intéresser à sa cause par une diversion contre les Valois ; mais il fut plus heureux dans ses menées avec la Flandre, où les manœuvres de Robert d’Artois lui valurent l’appui inattendu des cités flamandes, conduites alors par Jacques d’Arteveld, qui, s’empressant de reconnaître dans Edouard III le légitime souverain de la France, lui assura leur puissante coopération par l’assistance d’une vassalité engagée à la couronne parisienne. Philippe de Valois n’étant plus qu’un usurpateur, les communes de Flandre étaient déliées de leurs engagemens envers lui. Telles furent les causes et l’occasion du conflit sanglant et funeste qui s’éleva entre Edouard III et Philippe de Valois ; il compromit le repos de toute l’Europe, et aboutit à la fatale bataille de Crécy (1346). L’envahissement du territoire et la destruction momentanée de la force militaire de la France en furent les tristes résultats. Philippe ne survécut pas longtemps à ce désastre : il expirait en 1350, à l’âge de cinquante-sept ans, après s’être ménagé par une heureuse négociation l’acquisition du Dauphiné de Viennois et de la baronnie de Montpellier, comme une compensation à ses pertes territoriales dans la Normandie et dans la Flandre. Il avait de plus réuni au domaine le Maine et l’Anjou, qu’il tenait de sa mère ; de sorte qu’à tout considérer