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ravages dans des localités à sol rocheux et compacte ; qu’elle décime des villages bâtis dans un creux entre deux montagnes, sur un sol formé de détritus, tandis qu’elle épargne les hameaux voisins bâtis sur le roc ; mais il ne faut pas se laisser aller à l’attrait des théories simples qui nous persuadent d’accepter souvent des analogies hasardées pour des faits. Dans le cas où l’influence des eaux souterraines est bien prouvée, on conçoit la possibilité d’en régler l’étiage par des moyens artificiels, comme on règle les cours d’eau à l’aide d’écluses, et d’en empêcher les variations trop brusques dans l’intérêt de la santé publique.

La cause prochaine de ces influences telluriques doit être sans doute cherchée dans les êtres microscopiques, — infusoires et champignons, — qui se développent par la pourriture des matières mortes. C’est par là que ces phénomènes touchent à ceux qui sont dus aux miasmes des marais ordinaires. Ces derniers ont été beaucoup étudiés depuis quelque temps ; nous ne citerons, parmi les travaux qui s’occupent de ce sujet, qu’une note très intéressante du docteur Balestra, qui a été communiquée à l’Académie des Sciences il y a un an. En examinant au mi- croscope les eaux des Marains-Pontins, celles de Maccarebbe et d’Ostie, le physiologiste italien les a trouvées remplies d’infusoires de tous les types et de microphytes granulés, parmi lesquels le plus remarquable était une petite algue dont la forme rappelle de loin le cactus peruvianus. Cette plante se rencontre dans les eaux en proportion de leur degré de putréfaction, avec une foule de spores transparentes d’un jaune verdâtre, dont il faudrait aligner un millier pour faire 1 millimètre, et qui sont accompagnées de sporanges (vésicules) environ vingt fois plus gros. La petite algue surnage à la surface de l’eau, elle y produit comme des taches d’huile. Elle se développe rapidement dans l’eau chargée de détritus végétaux et exposée au soleil ; mais il suffit d’y verser quelques gouttes d’une solution d’acide arsénieux, de sulfite de soude ou, mieux encore, de sulfate de quinine, pour voir sous le microscope les infusoires mourir, l’algue et les spores s’étioler et s’affaisser. M. Balestra a constaté de plus que ces spores sont disséminées dans l’air des marais ; il les a trouvées en quantité dans la rosée qui se dépose sur un verre froid. L’air de Rome et des environs les contient en proportions variables selon la saison ; elles sont abondantes vers la fin du mois d’août, et surtout le jour qui suit la fin des pluies. Tout concourt à prouver que ces spores donnent naissance à la petite algue déjà mentionnée, et qu’elles représentent le principe miasmatique des Marais-Pontins. La petite algue ne se développe que sous l’influence d’une humidité modérée, — d’une pluie faible, d’une rosée nocturne ou d’un brouillard ; cela explique la recrudescence des fièvres intermittentes à Rome en août et septembre. L’action manifeste que les sels de quinine et les autres fébrifuges exercent sur les spores explique encore l’effet de ces spécifî-