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flotte, et l’on en peut tant dépenser dans une vieille marine sans être certain d’arriver à en posséder une ! Au prix de deux années de nos anciens crédits, on construirait la flotte que nous a léguée l’empire. Cette flotte, il est vrai, durerait à peine vingt ans. Il faudrait donc avoir, en vingt années, épargné la valeur d’une flotte semblable. Ce fonds d’amortissement qu’on laisse s’écouler par des constructions annuelles, au lieu de l’accumuler dans nos caisses, constitue la base de ce qu’on appelle le budget normal. On n’en peut absolument rien retrancher, à moins de consentir à déchoir ; mais, à mon sens, ce ne serait pas déchoir que de se borner à entretenir soigneusement la flotte de transport sans la renouveler. Si l’on cherche des économies, en voilà une qui ne nous coûtera pas une notable diminution de puissance. Je crois pouvoir en indiquer une autre dont on reconnaîtra aisément l’importance. L’annuité de renouvellement dépend de la rapidité avec laquelle le dépérissement se produit. On en réduira considérablement le chiffre, si, dans les constructions futures, on remplace le bois par la tôle. Il est vrai que cette substitution ne se ferait pas sans exiger l’achat d’un nouvel attirail, sans inutiliser nos réserves de chêne, sans mettre à pied la plupart de nos charpentiers. La chose n’est donc pas aussi simple qu’elle le paraît au premier abord ; c’est une réforme à faire, mais il faut la conduire avec une extrême prudence. Quant aux ateliers, aux bassins, à cette marine de pierre qui, faite pour produire et pour desservir l’autre, la plupart du temps la dévore, il faut arrêter court son développement et se contenter de lui allouer un fonds d’entretien. Sur une dotation annuelle de 65 millions, le matériel doit nous fournir le moyen de sauver les institutions dont j’ai entrepris la défense.

La séparation du ministère de la flotte et de la direction des colonies nous viendra aussi en aide. Je ne proposerais pas de créer, comme en 1857, un nouveau ministère ; le département du commerce se chargera de régir des intérêts qui sont plus commerciaux encore que maritimes. Quant aux garnisons coloniales, elles appartiennent de droit au département de la guerre. Cette petite armée, qui grossissait sans cesse, aura tout à gagner à se confondre dans les rangs de la grande armée nationale ; les services qu’elle a rendus, l’intrépidité dont elle a fait preuve, lui valent bien assurément cet honneur. Attachée aux flancs de la marine, elle eût continué d’y végéter à l’état de corps auxiliaire ; il faut lui ouvrir un champ plus vaste et saisir l’occasion que nous avons laissée échapper, il y a quinze ans, de simplifier l’établissement de notre budget. Des officiers qui construisent, qui administrent et qui montent nos vaisseaux, des médecins qui soignent nos équipages, des aumôniers qui les instruisent et qui les consolent, il ne nous faut pas autre