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chose ; mais tout ce qui existe dans ces branches essentielles de notre service, officiers civils ou militaires, il nous le faut sans réduction aucune. La solde qui leur est allouée n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan budgétaire. Avec le prix d’une frégate cuirassée, on doublerait, on triplerait presque nos cadres. Le ministre qui a peut-être le mieux compris et le mieux défendu les grands intérêts qui lui étaient confiés, M. Hyde de Neuville, a prononcé sous la restauration une parole qu’on ne saurait trop méditer. « C’est sur les choses, a-t-il dit, et non sur les hommes qu’il faut faire porter les économies. » Qu’on impose un instant silence aux penchans envieux du cœur humain et qu’on descende sans parti-pris au fond de la question, on verra que jamais vérité ne fut plus incontestable. On peut bouleverser bien des existences, ruiner l’organisation tout entière d’un corps, sans trouver à réaliser par des retranchemens intempestifs la diminution de dépense que représenterait le charbon qu’il serait quelquefois si facile d’épargner.

Je désire vivement qu’on n’opère aucune réduction sur le chiffre des bâtimens qui doivent composer notre flotte de combat ; mais à quoi servirait de conserver cette flotte, si l’on désorganisait le personnel, sans lequel nos navires de guerre ne seraient plus qu’un luxe tout à fait inutile ? « La flotte, me dira-t-on, ne sera pas réduite, mais les armemens de paix seront diminués. Vos nombreux officiers vont donc se trouver sans emploi. Ce n’est pas leur ambition seule qui souffrira de cette inaction, ce sera leur instruction même. L’officier de marine ne se forme ni dans les camps, ni dans les ports. Il se forme à la mer. » Le remède à cet état de choses est facile ; il a déjà été appliqué dans les premières années de la restauration. L’Angleterre et les États-Unis y ont eu recours. Il faut admettre que l’officier naviguant sur les bâtimens du commerce, — sur les bâtimens des particuliers, disait l’ordonnance du roi Louis XVIII, — ne déroge pas. Il me semblerait même équitable de ne pas lui faire perdre les droits à l’avancement qu’il tiendrait de son ancienneté. En appliquant ici le principe du congé renouvelable, on s’assurera presque sans frais une réserve d’officiers, comme on a déjà, grâce à l’inscription maritime, une réserve de matelots.

La composition de nos états-majors a beaucoup varié depuis la création de la marine française. Au début, nous n’avions que des capitaines et des officiers-mariniers ; bientôt à chaque capitaine il fallut adjoindre un lieutenant, et, quelque temps après, un enseigne. Nous en sommes venus peu à peu à embarquer sur nos vaisseaux de ligne jusqu’à 12 officiers, lieutenans de vaisseau et 6 enseignes. La république institua deux classes de capitaines, les capitaines de vaisseau et les capitaines de frégate. L’amiral de Ri-