Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grâce architecturale, a le mérite d’être ce qu’on pouvait inventer de plus ingénieux pour faire valoir le corps de logis principal; le tact d’un connaisseur consommé en élégances seigneuriales a évidemment passé par là. Ce porche, qui se présente de face, est placé de telle façon qu’il masque presque entièrement le château, qui se présente au contraire de flanc, en sorte que de loin on prend l’accessoire pour le principal, et le bâtiment d’entrée pour le logis même, trompe-l’œil des plus heureusement trouvés, puisque la beauté du vestibule est plus grande que celle de l’édifice. L’erreur cependant se dissipe lorsqu’on s’arrête à l’angle du petit pont jeté sur l’eau courante des fossés ; alors ce charmant trompe-l’œil rend au château un nouveau service, c’est de ne le montrer que de biais. Comme vu de la sorte il ne présente que les flancs arrondis de ses tourelles et les dômes de ses toits, l’imagination étend le caractère de ce détail à l’édifice tout entier, et se plaît à attribuer une magnificence presque orientale à ce qui n’est en définitive qu’une résidence rustique d’un grand seigneur issu de l’âge féodal. Ainsi précédé de son charmant château Louis XIII, tout occupé à le faire valoir, le massif édifice fait l’effet d’une grasse douairière bourguignonne aux formes robustes qui se ferait accompagner par le plus élégant et le plus mignon des pages.

Pour ce qui est de ce petit château Louis XIII, je voudrais en parler de manière à faire comprendre au lecteur la nature particulière du plaisir qu’il m’a donné; mais en vérité je ne sais comment m’y prendre. Depuis que j’ai commencé cette carrière nouvelle de touriste, j’éprouve que de toutes les œuvres de l’art les plus difficiles à décrire sont celles de l’architecture, et que de toutes les sensations que donnent les arts, celles qui sont données par l’architecture sont les plus incommunicables. Tout ce que je puis et tout ce que je veux faire, c’est de rendre en quelques mots le caractère général de cet art de la première partie du XVIIe siècle, dont il est un des derniers et des plus coquets échantillons. De toutes les formes de l’architecture nationale moderne, c’est celle qui me plaît davantage, non pas parce qu’elle est la plus belle, mais parce qu’elle me semble la plus française. Dans l’époque précédente, notre architecture, quelque brillante et variée qu’elle soit, m’apparaît toujours comme une transcription lapidaire du génie de l’Italie. Dans l’époque qui suit, je retrouve moins l’âme nationale que la monarchie; mais dans cette architecture Louis XIII, qui finit avec la fronde, c’est cette âme même de la France qui m’apparaît, sans alliage exotique d’aucune sorte, avec ses qualités éternelles et même, si l’on veut, quelques-uns de ses plus aimables défauts, avec le tour particulier de son bon goût à la fois pur et recherché, avec sa