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faiblesse pour la grâce, sa gentillesse et quelquefois sa mièvrerie. Il n’y a pas là seulement la France éternelle, il y a la France d’un temps déterminé : c’est vraiment le chant du cygne de l’ancienne vie seigneuriale. Il n’y a qu’une autre époque où l’architecture me semble avoir été française au même degré, le XVIIIe siècle, art charmant aussi, mais avec quelles différences, toutes en faveur de l’époque Louis XIII ! Tandis que dans l’époque Louis XIII on contemple le monde féodal expirant dans l’élégance, au XVIIIe siècle on contemple une noblesse élégante expirant dans le simple luxe. Ici, le grand seigneur se prépare à se transformer en homme de cour; là, l’homme de cour rejoint le monde de l’argent et se prépare à devenir simplement l’homme riche. Toutes proportions gardées, on peut comparer l’architecture Louis XIII au costume de cette même époque, le plus réellement beau qu’on ait porté en France; c’est la même richesse, le même bel air et, ne craignons pas de répéter un mot qu’aucun autre ne saurait remplacer ici, la même élégance.

Tanlay est aujourd’hui tout entier à l’extérieur, peut-on dire avec vérité, car, à l’exception de son vaste vestibule, ses salles ont été coupées en petits appartemens modernes sans caractère d’aucune sorte. Un fait curieux, c’est que les Phélippeaux, qui ont possédé ce château pendant cent cinquante ans, n’y ont laissé aucun souvenir; nous allons retrouver à Ancy cette même particularité. Pas un portrait, pas une peinture, pas une inscription, pas une sculpture ne protège la mémoire de cette famille qui tint sous la monarchie une place si importante et parfois si néfaste. Au contraire le souvenir des Coligny s’y maintient avec une vigueur remarquable, grâce à un vestige d’art du plus sérieux intérêt. Tout en haut de la tourelle de droite, qui s’appelle encore la tour de la Ligue, se trouve une petite salle ronde, absolument nue, d’un aspect austère et froid. Le mobilier de cette salle fait corps, peut-on dire, avec l’édifice même, car il se compose de quelques bancs de pierre scellés à la muraille, sur lesquels se sont assis, les jours de grand conseil, les Coligny et les Condé. Le tout est d’une rigidité huguenote et presque d’une dureté vraiment saisissante. Cette salle est voûtée, et sur la voûte un artiste du temps, dont l’inspiration fut supérieure à la main, a peint une fresque qui a l’importance d’un document historique.

Ni le sujet ni l’exécution n’ont rien cependant de bien nouveau ni de bien éminent : le sujet, presque banal, est un de ceux qui étaient familiers aux artistes de cette époque, l’assemblée des dieux de l’Olympe. L’exécution, qui est passable sans originalité, ne dépasse pas ce degré d’habileté que les plus minces artisans de la renaissance ont atteint dans les innombrables décorations qu’ils