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Lorsqu’on rassemble les observations éparses qui ont été faites sur les végétaux de la grande île africaine, au premier abord on est dans l’enchantement ; l’attention est arrêtée sur une foule de types remarquables. En poursuivant la recherche, un autre sentiment agite bientôt l’esprit : on s’aperçoit que beaucoup de sujets dignes d’un examen approfondi n’ont pas eu d’investigateurs attentifs ; on s’afflige d’ignorer à quelles espèces appartiennent les racines dont se nourrissent les Malgaches réfugiés dans les forêts ; on s’indigne contre les voyageurs qui citent les arbres d’une contrée en les appelant par des noms absolument vagues. Les écrits sur la flore de Madagascar n’embrassent qu’un champ très restreint ; depuis les travaux inachevés d’Aubert Du Petit-Thouars[1], deux botanistes seulement se sont occupés d’une manière spéciale de la végétation de la Grande-Terre : M. Bojer, de l’île Maurice, a signalé divers arbres et beaucoup d’arbrisseaux qu’il avait vus pendant ses voyages[2] ; M. Tulasne a étudié quelques familles avec l’herbier du Muséum d’histoire naturelle de Paris[3]. Il faut ensuite recourir aux ouvrages où l’on traite indifféremment des plantes de toute origine pour trouver la description de certaines espèces. Quand les sources d’information sont épuisées, on constate à regret que des notions bien assurées manquent à l’égard de plusieurs groupes de végétaux. Parfois les auteurs se sont vraiment trop peu appliqués à faire ressortir les analogies ou les dissemblances des plantes de Madagascar avec celles des autres contrées ; en pareille matière, c’est la comparaison qui met dans tout son jour le caractère d’un pays. Assez souvent on cite des végétaux observés sur la grande île africaine sans s’inquiéter s’ils n’ont pas été introduits à une époque plus ou moins ancienne. Sous ce rapport, notre éminent botaniste, M. Decaisne, qui sait toujours à quel besoin ou à quelle fantaisie des hommes les végétaux ont été soumis, nous a tenus en garde contre plus d’un piège en nous fournissant d’ailleurs de précieuses indications. Enfin, malgré nos désirs mal satisfaits, avec les renseignemens qui sont entrés dans le domaine de la science, une excursion sur les rivages de Madagascar, à travers la grande forêt d’Analamazaotra, au milieu des montagnes de la province d’Imerina, doit être instructive et intéressante.

En abordant la côte orientale de la grande île, tout contemplateur de la nature est charmé par l’aspect imposant d’une végétation

  1. Histoire des végétaux recueillis sur les isles de France, La Réunion (Bourbon) et Madagascar, Paris 1804. — Genera nova madagascariensia.
  2. Rapports sur les travaux de la Société d’histoire naturelle de l’île Maurice (10e, 11e, 12e et 13e), Maurice 1839-1843.
  3. Florœ madagascariensis fragmenta, in Annales des Sciences naturelles, 4e série, t. VI, p. 75, t. VIII, p. 44, et t. IX, p. 298 ; 1856-1857.