Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peine à tomber d’accord. Les princes se montraient peu empressés à accepter leur part d’une guerre dont ils auraient voulu laisser tout le poids aux états voisins de Münster. Enfin on triompha de leur mauvais vouloir. Une intervention collective fut décidée, et le comte Whirich de Dhaun, qui avait été déjà désigné par les trois cercles comme général de l’armée, se rendit à Coblentz pour prendre le commandement au nom de l’empire. On lui adjoignit six commissaires nommés chacun par un des états alliés. Le blocus fut alors poussé avec vigueur. On empêcha l’entrée dans la ville de toute espèce de vivres et de munitions. Les assiégés ne perdaient pas courage, car ils se berçaient encore de l’espoir d’être secourus, et malgré la trahison de Graiss les apôtres envoyés au loin et maintenant de retour dans Münster entretenaient ces vaines espérances. Il est vrai qu’à ce moment les mouvemens insurrectionnels des anabaptistes dans les Pays-Bas n’étaient point tout à fait comprimés, et que quelques succès des sectaires pouvaient justifier les assertions des missionnaires de Bockelsohn. J’ai déjà parlé de Groningue, où les anabaptistes étaient parvenus à s’ouvrir un chemin jusqu’au couvent de Warfum. Dans la Frise occidentale, ils avaient réussi à s’emparer d’Oldenkloster, près de Sneek. L’agitation se réveillait dans l’Over-Yssel, et à Amsterdam une poignée de fanatiques s’empara quelques semaines plus tard un instant de l’hôtel de ville; mais c’était là l’agonie d’une révolte dont l’autorité devait à la fin extirper tous les fermens.

La rigueur du blocus n’eut d’abord pour effet que d’exalter le fanatisme. Les sectaires, qui avaient pris la lenteur des assiégeans pour de la crainte, commençaient à comprendre qu’ils ne pouvaient plus rester simplement sur la défensive. Infatués de l’habileté de leurs tireurs, de la bravoure déployée par quelques-uns des leurs, ils ne parlaient que de se précipiter en masse hors de la ville pour rompre la ligne d’investissement, et d’exterminer tous les prêtres et les nobles; mais, comme l’entreprise était impossible, ils n’allaient pas plus loin que les paroles, et restaient à veiller sur leurs murs. Les vivres n’entrant plus dans la place, la disette se fit cruellement sentir, et ceux qui désespéraient de l’arrivée de l’armée de secours commencèrent à murmurer. Plusieurs, ne résistant plus à la faim, s’échappèrent de la ville; les souffrances de la population augmentant, le nombre des fugitifs s’accrut. Les assiégeans les repoussaient d’abord, mais l’état misérable de ces infortunés finit par les attendrir, et ils se montrèrent moins intraitables. On voyait des femmes, affolées par la faim, se précipiter avec leurs enfans dans les fossés et chercher à escalader les palissades. Les lansquenets, touchés de leur détresse, tendaient à ces malheureuses quelques