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françaises et aux dépêches espagnoles? Pourrait-on au contraire, pour une même voie de transit, varier les taxes suivant les pays de provenance ou de destination?

Voilà déjà un assez riche assortiment de questions; d’autres encore venaient se mêler aux débats. Une taxe une fois déterminée par la conférence pourrait-elle être modifiée, abaissée par exemple, par les intéressés sans le concours des autres puissances? Et dans ce cas, comment définirait-on les intéressés au milieu de tant d’intérêts entre-croisés? Toutes ces données s’agitaient sans que les idées en vinssent à s’éclaircir beaucoup. On vota cependant que la convention contiendrait un tarif complet et déterminé de toutes parts. C’était un grand point; mais le tarif ne se faisait pas. Personne ne voulait formuler son taux; chacun évitait de se laisser acculer à des propositions précises et tournait court dès qu’on le serrait de trop près.

La délibération relative aux taxes se traînait ainsi, sans cesse ajournée et reprise, et menée d’ailleurs de front avec la discussion des autres articles, car on ne voulait pas qu’elle entravât à elle seule les travaux de la conférence. Le délégué de la Suède lui fit faire un premier pas important. Il demanda qu’une sous-commission fût chargée de s’entendre sur les intérêts des principaux groupes européens. C’était d’ailleurs le représentant de la Prusse qui avait proposé une division en trois groupes : le premier comprenait la Russie, les puissances scandinaves et la Prusse; le second était formé de la Turquie, de la Grèce et de l’Italie; la France enfin avec les autres puissances latines, avec la Belgique et la Suisse, formait le groupe de l’ouest. On invita chacun des groupes à fixer isolément l’ensemble de ses tarifs; les résultats devaient être combinés, et on arriverait ainsi à un système général où seraient conservés, autant que possible, les rapports établis par le premier travail. Tel était l’esprit de la proposition suédoise. Les trois groupes s’étant formés, les délégués de la Prusse, de l’Autriche et de la France furent respectivement désignés comme leurs représentans officieux, et ils s’attachèrent dès lors à triompher des incertitudes de la conférence. Leur travail était double : d’une part, dans chaque groupe, ils ébauchaient des arrangemens limités; d’autre part, réunis en sous-commission, ils s’étudiaient à établir une certaine harmonie entre ces efforts isolés. On peut remarquer que l’on en venait ainsi à exécuter, sous une forme pratique et commode, l’idée qui avait dirigé l’administration française dans la rédaction de son projet : on procédait par séries de conventions partielles; mais on le faisait en présence même des intéressés et l’on supprimait toutes les lenteurs de la diplomatie.