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code Napoléon, de la conscription, du système décimal des poids et mesures, etc.

Napoléon avait donné à son beau-frère Murat, devenu son altesse royale le grand-duc Joachim, les plus sages conseils. « Ne vous pressez pas, lui disait-il ; pour bien constituer le pays de Berg et Clèves, il faut se donner le temps d’observer et de voir. Faites recueillir tous les renseignemens, après quoi il vous sera possible d’arriver à une organisation qui convienne aux habitans et à vous, et qui rende vos voisins envieux de faire partie de votre domination. C’est là surtout le but qu’il faut se proposer (4 août 1806). » Malheureusement le prince Murat, et surtout sa femme Caroline, ambitieuse comme une Bonaparte, se trouvaient déjà déplacés dans un simple grand-duché. Il fallait à Murat une couronne royale : l’Espagne surtout lui souriait ; Naples ne fut qu’un pis-aller. Dans ses courtes apparitions à Düsseldorff, il éblouit, il séduisit ces populations belliqueuses par ses façons de paladin, ses panaches et ses costumes de théâtre, sa belle prestance militaire, la réputation de ses hauts faits, sa hâblerie méridionale ; mais il s’y occupa surtout à faire un peu d’argent aux dépens des forêts et des domaines. Il traita les affaires du grand-duché comme il eût mené une charge de cavalerie. Il manqua même de se faire déclarer la guerre par le roi de Prusse, et parla un jour de s’enfermer dans Wesel pour y soutenir un siège contre Napoléon. Quand il « passa roi de Naples, » l’empereur disposa du grand-duché en faveur d’un fils de Louis de Hollande. Administré par un conseil de tutelle dont fut membre le comte Beugnot[1], Berg cessa de figurer dans les grands projets napoléoniens de remaniement de l’Allemagne. C’était le tour de la Westphalie.

Les projets de Napoléon se précisent et s’agrandissent à mesure que les circonstances semblent les favoriser. Après la déclaration de guerre à la Prusse, c’est déjà un grand état, c’est un royaume qu’il veut fonder, c’est un de ses frères qu’il veut asseoir sur ce trône nouveau. La sollicitude toute spéciale avec laquelle il suit les progrès ou les fautes de son frère Jérôme, l’âpreté avec laquelle il combat le mariage avec Mme Patterson, cette alliance wurtembergeoise décidée dans les premiers mois de 1806, ce commandement en chef des auxiliaires bavarois et wurtembergeois confié à un jeune homme qu’on voulait signaler à l’attention du monde et surtout de l’Allemagne, ne laissent aucun doute sur l’objet de son choix. Après Iéna, il sait où il placera le nouveau royaume ; après la chute de l’électeur de Hesse-Cassel, il sait quelle en sera la capitale ; en

  1. Voyez les Mémoires du comte Beugnot, 2 vol. in-8o ; Paris 1808.