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nanarive ou qui en reviennent, paraissent beaucoup inquiéter les lémuriens ; des cris aigus ou plaintifs se font entendre, la désolation semble être parmi les pauvres créatures, que la présence de l’homme trouble rarement. Malgré un pelage laineux, véritable toison épaisse et douce, les makis sont frileux au suprême degré ; ils s’apprivoisent très bien quand on les prend jeunes, et en fait d’espiègleries ils ne cèdent guère aux singes.

Les lémuriens offrent entre eux une diversité qui a conduit les naturalistes à les classer dans plusieurs genres ; il y en a beaucoup d’espèces à Madagascar, et certainement nous ne les connaissons pas toutes encore : les plus grandes ont de 80 centimètres à 1 mètre de longueur, les plus mignonnes ont la taille d’un rat. Les vrais lémurs, que distinguent un long museau et Une grande queue, aiment les fruits, mais ils croquent parfaitement les petits oiseaux, les lézards, les insectes. Ils ont des habitudes diurnes, tandis que les chirogales, tout bas sur pattes et pourvues de dents hérissées de pointes, craignent le jour et ne prennent leurs ébats qu’au crépuscule et au clair de lune, faisant aussi terrible chasse aux lézards et aux insectes. Au contraire les lémuriens composant le groupe des indris, d’une organisation plus parfaite que les autres, se nourrissent exclusivement de substances végétales[1]. Ceux-ci se dressent volontiers sur les pattes de derrière ; ils ont la tête globuleuse, le museau court comme celui d’un doguin ; chez plusieurs espèces à longue queue, les propithèques, le pelage est nuancé de diverses couleurs d’une façon toute charmante. Ces curieux mammifères sont caractéristiques de la faune de Madagascar ; en dehors de la Grande-Terre, on n’en a observé qu’aux îles Comores. À la vérité, il existe quelques lémuriens en d’autres pays, mais ils n’appartiennent pas aux mêmes genres ; ce sont les nycticèbes aux îles de la Sonde, les loris dans l’Inde et à Ceylan, les galagos en Afrique.

C’est dans la grande île, dans les endroits les plus solidaires de la région du sud-ouest, que vit l’un des plus étranges mammifères, l’aye-aye ou le chiromys. Animal nocturne, doux et craintif, de la taille d’un chat, l’aye-aye a une large tête, avec de gros yeux ronds, comme ceux des hiboux, la queue énorme, les mains des membres antérieurs vraiment extraordinaires, — le doigt du milieu est tout grêle. Au premier abor4, on y verrait une sorte de difformité, mais c’est une merveilleuse adaptation à un genre de vie spécial. L’aye--

  1. On distingue dans ce groupe les avahis, animaux de petite taille, ayant la tête globuleuse et la face peu proéminente ; — les propithèques, d’assez fortes dimensions, ayant le museau un peu avancé et une belle queue ; — les indris, qui ont le museau assez long et la queue à l’état rudimentaire. — Voyez, au sujet des types de lémuriens, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Catalogue de la collection des mammifères du Muséum. Depuis cette publication plusieurs nouvelles espèces ont été décrites.