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aye se nourrit de préférence des larves logées dans le tronc ou les branches des arbres ; avec le doigt mince pouvant être introduit dans les fissures, il arrache comme avec un crochet l’insecte qu’il convoite. Au siècle dernier, le voyageur Sonnerat s’était procuré deux individus vivans de ce singulier mammifère, qui longtemps parut aux naturalistes tenir à la fois de l’écureuil, du paresseux et du singe. L’étude attentive a fourni la preuve que, malgré des particularités de conformation des plus remarquables, il se rattache au type des lémuriens. On a eu très rarement l’occasion d’observer l’aye-aye, qui dort tout le jour dans les endroits les mieux cachés ; les Malgaches, connaissant sa retraite, semblent, mus par une crainte superstitieuse, vouloir éviter de prendre l’animal, qui les étonne par l’étrangeté de sa physionomie et de ses mouvemens[1].

Sur la Grande-Terre seule habitent les tenrecs, des mammifères de l’ordre des insectivores qui ressemblent à nos hérissons. Comme ces derniers, ils sont couverts de piquans, mais les dents n’offrent pas les mêmes caractères, la queue manque, le corps ne se roule pas aussi bien en boule, et l’animal, cherchant à se soustraire au danger, place sa tête entre ses pattes. Sept ou huit espèces du groupe des tenrecs ont été découvertes à Madagascar, et l’on a jugé qu’elles devaient être réparties dans plusieurs genres[2]. En effet, les piquans, raides ou flexibles ou mêles à des soies, s’étendent sur tout le corps ou n’en occupent qu’une partie, suivant les espèces. Ces animaux abondent dans certaines localités, et, nous dit Flacourt, « les gens du pays en sont fort friands, tant les rohandrians que les nègres. » S’il fallait s’en rapporter à notre premier historien de la grande île africaine, les tenrecs dorment six mois dans des terriers assez profonds ; des voyageurs modernes croient le fait inexact : ces mammifères, étant nocturnes, restent blottis dans leurs terriers pendant le jour ; de là une erreur possible. Flacourt cite le fanalouk, qu’il prend pour une civette ; c’est encore un animal bien curieux par ses caractères ; dépourvu de piquans, il se rapproche néanmoins des tenrecs ; son pelage est d’un roux uniforme. Les Malgaches mangent le fanalouk, qui est très commun en différentes contrées[3].

Le type des mammifères carnivores n’est représenté à Madagascar que par de petites espèces : une genette, quelques mangoustes,

  1. Au sujet de l’aye-aye, Chiromys madagascariensis, voyez dans la Revue du 15 mars 1870 les Conditions de la vie chez les êtres animés.
  2. Les tenrecs proprement dits, Tendrak des Malgaches, Centetes des zoologistes, les éricules, les échinops.
  3. Le fanalouk, Eupleres Goudoti, décrit par Doyère, Annales des Sciences naturelles, 2e série, t. IV.