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mains eut alors un grand retentissement dans le monde, et fit au pape la réputation d’un inflexible justicier. Il frappa les têtes les plus élevées pour servir d’exemple aux plus humbles, maintenir les uns comme les autres dans le respect des lois, et il purgea Rome des bandits qui l’infestaient; l’homme d’état du XVIe siècle se révèle dans la justice criminelle de Sixte-Quint : inexorable et marchant au but avec une impitoyable fermeté.

Quant aux finances, il faut lire le chapitre curieux que leur consacre M. de Hübner. Rien de plus original que le système de ces monti, variété singulière de la vénalité des offices, qui attirent dans Rome une grande somme de numéraire par l’appât d’un gros intérêt, et qui forment un épisode bizarre de l’histoire financière du XVIe siècle. Il y a de plus dans Sixte-Quint l’héritier des Médicis sur la chaire de saint Pierre, qui continue la décoration de la ville éternelle avec ce grand goût dont l’Italie avait alors le privilège, mais qu’on aurait pu ne pas rencontrer dans l’humble religieux, transformé en chef de l’église. M. de Hübner a déployé la finesse et le sentiment d’art d’un Italien de la renaissance en traitant de ces embellissemens de la Rome de Léon X; le chapitre intitulé l’Aiguille, ou l’obélisque, est écrit avec beaucoup de délicatesse.

Nous nous proposons surtout de considérer dans le pape Sixte-Quint le chef de la catholicité chargé du gouvernement de l’église en un moment solennel de révolution religieuse et politique : c’est par là principalement que l’histoire de ce pontife nous touche et nous attache, car les affaires de la France ont été profondément mêlées pendant le XVIe siècle aux affaires de l’église. La direction intérieure de la France, on le sait, a été vers la fin de ce siècle dans le plus complet désarroi; c’est le temps où la guerre civile, pour cause de religion, fut le plus acharnée parmi nous; C’est le temps où aux dissidences religieuses se joignirent, par un lien intime, les dissidences politiques, nées des compétitions ouvertes par l’extinction de la dynastie des Valois. La participation animée de la papauté à nos troubles civils fut marquée de divers caractères, selon les temps et les personnes, mais elle fut persistante, et les papes l’ont justifiée par l’intérêt impérieux du catholicisme menacé. C’est alors que commença le règne de Sixte-Quint (1585), qui. dans sa courte durée, fut le témoin de l’alliance forcée de Henri III avec la ligue, de la domination des ligueurs finissant par expulser le roi de sa capitale, de la réaction signalée par l’assassinat de Henri de Guise et de son oncle le cardinal à Blois, du meurtre de Henri III lui-même, le crime appelant le crime : de l’anarchie qui suivit cette catastrophe, et de la lutte désespérée entre Henri IV et la ligne.

L’histoire et l’appréciation du rôle de Sixte Quint au milieu de ces désordres, tel est, à vrai dire, le sujet principal du livre de M. de