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Hübner, et c’est par ce côté que nous prendrons nous-mêmes cet ouvrage. Son examen critique acquiert ainsi une importance toute française et le sujet du livre s’incorpore à notre histoire nationale par la recherche approfondie des rapports de Sixte-Quint avec la ligue. Les caractères du pontife, de Philippe II et d’Henri IV en ressortent avec une physionomie nouvelle. Un grand personnage y est toutefois laissé dans l’ombre, c’est Elisabeth d’Angleterre, dont l’influence et l’action étaient autre part qu’à Rome, et dont M. de Hübner a pu ne s’occuper qu’accessoirement.

A son avènement au pontificat, Sixte-Quint avait trouvé la politique romaine engagée sur la question française, comme nous dirions aujourd’hui. Le premier soin du nouveau pape fut de rectifier à cet égard la direction du cabinet romain, car il craignait tout autant, au fond de l’âme, le triomphe de Philippe II et de la ligue que le triomphe des huguenots eux-mêmes. Sa politique constante fut d’assurer l’intérêt catholique et de dégager en même temps l’église des exigences de Philippe II : toute l’habileté de ce dernier ne pouvant dissimuler le joug dominateur que préparait à la papauté un protectorat destiné à devenir aussi formidable que l’avait été celui des empereurs allemands et de Charles d’Anjou. Préoccupé de ces périls et des moyens de les conjurer, Sixte-Quint ouvrit la voie de la pacification de la France et du rétablissement de l’équilibre européen, en prêtant l’oreille, malgré le dépit et l’opposition des Espagnols, aux propositions du parti politique et national qui ménageait en France l’avènement de la maison protestante de Bourbon, garanti par une grande concession aux intérêts catholiques, à savoir l’abjuration d’Henri IV. Le comte Olivaies en avisait Philippe II dans sa correspondance : « Le pape, lui disait-il, espère grandement que les deux partis remettront cette affaire entre ses mains, et qu’il parviendra à la régler, quoiqu’il n’ignore pas la difficulté. » Telle était la pensée arrêtée de Sixte-Quint lorsque la mort le surprit au milieu de ses négociations; mais la transaction était indiquée, la conciliation était préparée, et, malgré la mort du pape, le bon sens d’un de ses successeurs la fit prévaloir plus tard. Un immense service fut ainsi rendu à la France, qui retrouva un gouvernement réparateur, se releva de ses ruines, reprit son rang en Europe et parvint aux destinées glorieuses qu’accomplirent, à travers tant de vicissitudes, les héritiers de Henri de Béarn, Louis XIII et Louis XIV.

Pour donner à la mise en scène de ce grand drame l’ampleur qui lui convient, M. de Hübner a d’abord recherché, avec la perspicacité de l’homme d’état et le talent d’un historien de la meilleure école, comment ces papes du XVIe siècle, qui n’avaient ni les desseins ni l’ambition de Grégoire VII, avaient été conduits à prendre