Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/709

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matienne avilie repose loin de l’estime conjugale, les ossemens de l’art et le corps difforme de l’ignorance. » Ce n’est pas que son livre ne soit précieux, qu’il ne fasse comprendre souvent par la gravure la beauté des sites, la majesté des édifices; mais Cassas non plus qu’Adam n’a pas cette rigueur scientifique que nous demandons à l’architecte quand il restitue un monument; il invente, il suppose. Ses essais et ceux de son prédécesseur doivent être repris. Le sujet vaut la peine de tenter un de nos pensionnaires de la villa Médicis. Aussi bien notre école de Rome, qui envoie chaque année à l’Institut une restauration, a-t-elle aujourd’hui épuisé l’Italie et la Grèce. Nous possédons à Paris ces cartons précieux qui commencent à l’année 1783 et vont jusqu’à nos jours. L’antiquité classique y retrouve toutes les belles œuvres d’architecture qu’elle nous a laissées, état actuel, restauration justifiée. Cette collection, bien connue de quelques personnes, souvent consultée, surtout par la science étrangère, est une des richesses de la bibliothèque de l’École des Beaux-Arts, richesse unique en Europe. Longtemps oubliée, elle est devenue accessible à tous quand le bibliothécaire actuel l’a fail disposer de manière qu’elle pût être étudiée facilement. Le gouvernement veut aujourd’hui publier ce vaste ensemble de travaux; il croit avec raison qu’une telle entreprise servira au progrès de l’art et de l’histoire, sera un titre d’honneur pour le pays.

La côte de l’Adriatique conserve d’autres monumens de l’époque romaine, l’amphithéâtre de Pola, que M. Chabrol a récemment étudié; le temple d’Auguste, l’édifice appelé palais de Julie, dans la même ville, appartiennent aux beaux temps de l’art et méritent de faire l’objet d’une restauration. Nos artistes, qui vont d’ordinaire en Grèce, quelquefois, comme M. Joyaux, jusqu’à Balbeck, pour satisfaire aux obligations, tous les jours plus difficiles, que leur impose l’état, ont en face de l’Italie un sol encore peu exploré qui leur promet des études fécondes. L’antiquaire ne trouve pas moins d’intérêt sur cette côte. La Grèce fonda dans l’archipel dalmate nombre de colonies, comme celles de Pharos, de Delminium, de Corcyra-Nigra, d’Héraclée. Ces villes perdues loin de leur métropole, aussi isolées que les comptoirs de Pont-Euxin, avaient une vie active, le goût des arts, une grande ardeur au commerce. Elles ont laissé des médailles, des bas-reliefs, des inscriptions, que les savans commencent à recueillir. Cette histoire sort enfin de l’obscurité, intéressante comme le sera toujours tout ce qui nous aidera à mieux comprendre l’esprit hellénique. Les inscriptions et les monumens figurés des temps romains font de la province un véritable musée, que MM. Mommsen et Conze ont récemment étudié, non sans laisser beaucoup à faire après eux. La Dalmatie possède à Salone des ruines du plus grand prix. L’enceinte de la ville est encore debout; les