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bourg même est menacé. Le mouvement insurrectionnel allemand de 1809 parut même devoir tout emporter; le roi, exaspéré, comme autrefois son frère, par le « mauvais esprit de cette jeunesse, » voulait « brûler toutes les universités. » Une autre source de difficultés, c’étaient les conflits entre les antiques juridictions universitaires et les nouvelles juridictions, juges de paix, tribunaux de police, tribunaux de district. Après beaucoup de luttes, les privilèges des étudians disparurent sous le niveau de la loi commune, et leurs associations mêmes tombèrent en dissolution.

Cependant nous voyons, par l’exposé présenté aux états de 1810, que quelques progrès ont été accomplis. Halle a été réorganisé et pourvu de professeurs illustres : le philologue Schütz, les médecins Reil, Meckel, etc. Le roi a donné à Gœttingen sa collection d’histoire naturelle; on y construit une serre chaude et un nouvel observatoire. Les revenus et les professeurs des deux universités supprimées sont réunis à ceux des trois universités conservées. A Brunswick, on a réorganisé une école militaire pour soixante élèves. « La littérature westphalienne, dit M. Reinhard, a pris une direction utile vers le code; Napoléon, la statistique et la constitution du royaume. Deux ouvrages remarquables qui lui appartiennent sont le Dictionnaire allemand de M. Campe[1] et la Théorie du mouvement des corps célestes, par M. Gauss. »

L’idée de réconcilier les Français et les Allemands sur le terrain de la science et de la littérature, d’opérer entre les deux nations « la fusion des mœurs et des lumières, » avait été entrevue; mais ceux qui s’imaginaient en prendre l’initiative avaient plus de prétentions que d’idées claires. Pendant qu’on supprimait les universités, la feuille officielle consacrait de longs articles à la littérature westphalienne. Le 14 novembre 1808, on représente, devant le roi et devant 1,200 invités, un opéra en trois actes dont le héros était Jérôme Napoléon lui-même allant en 1805 délivrer les Génois prisonniers à Alger. Sommé de restituer ses captifs, « chrétien, répond le dey, tu connais nos usages; acquitte leurs rançons. — Je vais les acquitter, » répond Jérôme :

Vois-tu tous ces vaisseaux qui bordent tes rivages ?
Ils renferment, sultan, de quoi te contenter!
Dans une heure, au plus tard, si ceux que je réclame,
Sans en excepter un, ne me sont point rendus,
J’apporte en ton palais et le fer et la flamme,
Et des torrens de sang couleront répandus.
Je te laisse y penser. Ce sont là les tributs
Que désormais prétend payer la France...

Ce n’est pas plus mauvais en somme que toute autre poésie of-

  1. Déjà décoré du titre de citoyen français par l’assemblée législative (1792).