Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/667

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui leur ont toujours été attachés, mais de bien des légitimistes et de bien des républicains, par désespoir chez les uns de faire accepter à la France le nom, le drapeau, les principes du chef de la maison de Bourbon, par crainte chez les autres de ne pouvoir fonder une république libérale ou de ne pouvoir se passer pour la fonder d’un patronage princier, par une égale appréhension des deux parts des chances de retour que l’état actuel pourrait donner à l’empire. Les deux principes que représente l’orléanisme, la souveraineté nationale et le gouvernement parlementaire, se prêtent à la forme républicaine comme à la forme monarchique. Aussi, parmi ceux dont les préférences sont restées orléanistes, beaucoup ont donné un concours loyal soit aux deux républiques de 1848 et de 1871, soit à l’essai de l’empire libéral en 1870, et la royauté légitime, entourée de garanties constitutionnelles, ne leur inspirerait pas plus de répugnance. Cette situation impartiale est celle des princes d’Orléans eux-mêmes. Ils ont toujours déclaré que rien dans leur origine et dans leurs principes ne les liait à une forme exclusive de gouvernement. Sous l’empire, qui les avait spoliés, sous la république, qui après de regrettables hésitations les a rendus à leur patrie, ils n’ont jamais réclamé que le droit de servir la France, ils n’ont jamais affiché l’attitude de prétendans. C’est leur honneur comme citoyens, c’est aussi leur faiblesse comme chefs de parti. L’orléanisme n’a en général dans les élections ni organes, ni comités, ni candidats auxquels soient tentés de se rallier ceux qui se refusent aux appels des autres partis.

Telle est aussi la situation de beaucoup d’électeurs : d’un côté, ils sont en présence de prétentions qui les effraient, soit par le souvenir de fautes ou de crimes dont nos malheurs ne sont que les suites, soit par des griefs plus lointains, mais toujours cuisans ; de l’autre, ils entendent des voix sages, honnêtes, libérales, toutefois timides, indécises, qui semblent craindre d’affirmer les institutions qu’elles leur offrent ou qu’elles leur promettent. Incertains eux-mêmes, découragés par le passé, n’entrevoyant rien de clair dans l’avenir, ils renoncent à remplir des devoirs qui supposent des opinions, et pour ne pas s’exposer à la responsabilité de mauvais choix, ils s’en remettent du soin de leurs destinées à la Providence ou au hasard.

Les déplorables manœuvres qui sont devenues les armes habituelles de tous les partis dans les luttes électorales contribuent encore à entretenir ce découragement. Sous l’empire, les candidats, leurs patrons et leurs agens se servaient à la fois, sans ménagement et sans scrupule, des promesses et des menaces. Aujourd’hui, après tant de déceptions, les promesses les plus impudentes manqueraient leur effet ; celui des menaces est plus sûr : il n’est