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ETUDES
SUR
LES TRAVAUX PUBLICS

LES TORRENS DES ALPES

Étude sur les torrens des Hautes-Alpes, par M. Alex. Surell, 2e édition, avec une suite par M. E. Cézanne, Paris 1870-72.

Pendant longtemps, les géologues expliquèrent par des mouvemens convulsifs du sol la forme actuelle de notre planète. Les montagnes étaient de brusques soulèvemens ; l’affaissement qui y correspondait avait donné naissance aux bassins des lacs et des mers ; les vallées étaient des fissures restées béantes lorsque l’écorce du globe s’était disloquée. Partout, dans la croûte solide de la terre, on voulait voir la trace de catastrophes plus ou moins récentes ; tout au plus accordait-on aux intempéries atmosphériques et aux eaux courantes la puissance de niveler quelques bas-fonds, d’adoucir quelques pentes. Certains géologues novateurs, la plupart Anglais d’origine, ont répudié ces vieilles doctrines en ces dernières années. A la théorie du catastrophisme, seule admise jusqu’alors, ils ont substitué la doctrine de l’uniformisme, qui consiste en ceci, que les phénomènes sont dus, sauf des variations d’intensité, aux forces encore actives de nos jours. Plus de soulèvemens subits, mais de lentes oscillations dont l’effet n’est bien sensible qu’après des milliers ou des millions d’années ; — des mers dont le sol s’enfonce ou se relève imperceptiblement chaque siècle, des vallées que les glaciers et les torrens creusent et nivellent petit à petit par érosion, des plaines de gravier et des deltas sablonneux auxquels l’eau