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propos que la malice n’épargnait pas à son dévoûment[1], car les henriciens en Italie et en Allemagne n’étaient point en reste de calomnies avec les grégoriens. La pureté de Grégoire est sortie intacte de ce conflit des passions ; plût à Dieu que la réputation de Henri fût aussi bien vengée par l’opinion !

Cependant plusieurs princes de Lorraine et de Souabe furent joindre Henri en Italie. — L’empereur assembla une armée contre Rodolphe, et l’obligea par deux batailles gagnées à se retirer dans la Saxe. Sur un autre point, le duc de Bohême, fidèle à l’empire, prit la révolte à revers, et défit un gros détachement de l’armée de I’anticésar. Grégoire vint à l’appui de la cause ébranlée de Rodolphe en renouvelant l’excommunication de Henri IV avec des formes terribles. C’étaient les apôtres saint Pierre et saint Paul qui cette fois intervenaient dans la querelle et dictaient l’anathème à Grégoire. De cette excommunication célèbre, le texte se trouve partout[2]. M. Villemain en fait ressortir le caractère avec un grand bonheur d’expression. Aux foudres du synode de Rome et de Grégoire VII, Henri répondit par une nouvelle manifestation de l’épiscopat contre le pape. Il assembla trente évêques à Brixen dans le Tyrol, sur la fin de juin 1080, et il y proposa pour la seconde fois la déposition de Grégoire, cette fois pour crime de simonie ; puis il fit élire pape Guilbert, archevêque de Ravenne, qui prit le nom de Clément III. C’était le même que Grégoire avait excommunié pour ses déportemens, et qui poussait Henri dans la voie des représailles. À ce moment, les deux armées de Rodolphe et de Henri étaient de nouveau en présence en Thuringe. Une bataille décisive fut livrée à Volksheim, près Mersebourg, le 12 octobre 1080. L’armée impériale était commandée par un habile capitaine qui fondait en ce jour la grandeur de sa famille, Frédéric de Hohenstaufen, et l’étendard impérial était porté par le preux Godefroi de Bouillon, qui en frappa, dans une lutte corps à corps, le rebelle Rodolphe, et lui coupa la main droite. Ce malheureux se souvint, dit la chronique, que c’était la main dont il avait faussé le serment de fidélité à son roi, et mourut en regrettant sa révolte. Le destin semblait alors se prononcer pour Henri ; mais l’intrépide Grégoire n’en fut pas troublé ni détourné de sa voie. Comme compensation à ces revers, la comtesse Mathilde fit donation de ses terres au saint-siège. Ce fut

  1. « Tanquam patri, dit Lambert (p. 418), sedulum exhibebat officium. Unde nec eradere potuit incesti amoris suspicionem, passim jactantibus regis fautoribus, et precipue clericis, quibus illicita et contra scita canonum contracta conjugia probibebat, quod die et nocte impudenter papa in ejus volutaretur amplexibus, et illa furtivis papæ amoribus præoccupata, post amissum conjugem ultra secundas contrahere nuptias detrectaret. Sed apud omnes sanum aliquid sapientes luce clarius constabat, falsa esse quæ dicebantur. »
  2. Voyez le remarquable travail de M. Langeron sur Grégoire VII, Paris 1871, in-8o.