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ces zouaves n’étaient point encore de vrais zouaves ; c’étaient des conscrits de la veille, rassemblés, habillés en toute hâte, qui depuis pendant tout le siège se sont vaillamment relevés de cette défaillance de leur première affaire.

Le gros de la division Caussade néanmoins tenait encore et gagnait du terrain du côté de Villacoublay ; mais ces régimens, très nouveaux, très inexpérimentés eux-mêmes, vivement impressionnés de la fuite et des cris des zouaves, commençaient à s’émouvoir ; ils flottaient. Les tirailleurs finissaient par reculer, se rejetant sur la ligne de bataille qu’ils rompaient, et ici encore le désordre apparaissait. Le général en chef revenait à la charge, s’efforçant de raffermir ces malheureux soldats, qui se massaient autour de lui comme un troupeau effaré. La débandade était moins grande que parmi les zouaves, elle devenait pourtant sensible. Évidemment on ne pouvait plus songer à poursuivre le mouvement offensif qu’on avait commencé. Ordre était donné au général de Caussade de reprendre ses positions de Clamart, au général d’Hugues de revenir en arrière du Télégraphe, dans la direction de Fontenay-aux-Roses. L’artillerie à son tour se repliait par le plateau, mais elle se repliait lentement, combattant toujours et opposant la plus ferme contenance au feu de l’ennemi, qui s’animait par degrés. A dix heures, on se retrouvait dans la redoute.

Rien n’était encore désespéré cependant. On n’avait pas réussi dans la marche offensive du matin, on rentrait dans ses positions, et on n’avait pas perdu trop de monde. Le général Ducrot, sans se laisser ébranler, ne songeait qu’à se mettre en défense. La redoute était armée de huit pièces, les six de la batterie du capitaine Buloz, deux détachées d’une batterie qu’on avait placée au Télégraphe ; à cela, on joignait des mitrailleuses, et le reste de l’artillerie était distribué à droite et à gauche du plateau, de façon à faire face à tout ce qui pouvait survenir. Ce n’était plus maintenant une affaire d’infanterie, c’était un duel d’artillerie engagé avec les batteries allemandes, et ce duel, nos canonniers le soutenaient vigoureusement, habilement, sans désavantage ; on arrivait même un instant à éteindre le feu des Prussiens ou des Bavarois et à les arrêter dans les mouvemens dont ils nous menaçaient. Entre midi et une heure, la situation semblait encore assez bonne, lorsque le commandant en chef, établi lui-même dans la redoute, apprenait avec surprise que le général de Caussade, qu’il supposait toujours à Clamart, était déjà rentré dans Paris. Ce vieux et honnête divisionnaire, accoutumé à faire son devoir, mais un peu troublé sans doute par tous les événemens auxquels il assistait depuis quelque temps, avait cru que tout était fini, et qu’il n’avait rien de mieux à