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ministration supérieure, se préoccupe du choix des hommes nouveaux ou anciens en qui il peut mettre sa confiance, parce qu’il connaît leur loyauté et leurs lumières, ce n’est pas la question, c’est l’histoire de tous les gouvernemens ; ils sont dans leur droit tant qu’ils ne vont pas jusqu’à désorganiser par caprice, par favoritisme ou par esprit de parti les services publics, tant qu’ils ne font pas des fonctions de l’état un moyen de captation vulgaire ou le prix du servilisme et des connivences intéressées. On peut nommer qui on voudra, l’essentiel n’est pas là précisément. Ce qui est d’une bien autre importance et ce qui domine tous les choix de personnel, c’est l’attitude que prend un gouvernement nouveau, c’est ce qu’il fait pour se définir, pour caractériser sa situation, son action aux yeux de l’étranger comme aux yeux du pays. En d’autres termes, toute la question est dans la direction, dans la sûreté de sa politique extérieure, aussi bien que dans les conditions d’existence intérieure qu’il se crée à lui-même. Où en est le ministère du 24 mai au point de vue extérieur ? Peut-être a-t-il trop compté tout d’abord sur ces titres tout naturels qu’a un gouvernement régulier et honorable pour se présenter à l’Europe, — ou bien peut-être ne s’est-il pas entièrement rendu compte des anomalies qui résultent, pour les relations diplomatiques de la France, d’un régime sans fixité, sans caractère précis, aussi difficile à définir qu’à modifier. Toujours est-il qu’il a eu au premier moment, non pas des difficultés, il n’a eu de vraies difficultés d’aucune espèce, mais un certain embarras dans la manière de faire son entrée, pour ainsi dire, parmi les gouvernemens réguliers. On avait cru d’abord qu’il suffisait d’une simple notification faite par notre ministre des affaires étrangères aux représentans des puissances européennes à Paris et en même temps par nos agens extérieurs aux gouvernemens auprès desquels ils sont accrédités. Cela n’a pas suffi. Les cabinets de l’Europe, surtout ceux du nord, ont vu dans l’événement du 24 mai une sorte de révolution plutôt qu’une transmission ordinaire de pouvoirs, et ils ont tenu à une notification spéciale et supérieure émanant du nouveau président de la république lui-même. La Prusse est allée plus loin, elle a considéré comme une nécessité le renouvellement des lettres de créance des ambassadeurs. De nouvelles lettres ont dû être expédiées de part et d’autre, à M. de Gontaut-Biron comme à M. d’Arnim. L’Angleterre, quant à elle, est restée étrangère à ces questions de protocole ; elle n’a éprouvé aucun embarras à continuer avec la république française représentée par le maréchal de Mac-Mahon les relations qu’elle avait avec la république représentée par M. Thiers. Les autres puissances, la Russie, l’Autriche, sans suivre la Prusse jusqu’au bout, se sont contentées de la notification présidentielle. C’est tout cela qui a paru mettre un peu de lenteur dans l’inauguration des rapports diplomatiques du nouveau gouvernement français, sans qu’il y ait eu d’ailleurs la moindre interruption dans les relations avec les puissances étrangères.