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enfans de celui-ci eurent le droit d’en disposer. Ainsi de la vénalité, pour passer à l’hérédité il n’y avait plus qu’une question fiscale. Déjà au XVe siècle, avant que la vénalité n’eût été appliquée aux offices de judicature, diverses charges du parlement étaient devenues de fait héréditaires. On tenta vainement en 1579 d’abolir la vénalité des offices en exigeant des officiers le serment « de n’avoir rien donné pour être pourvu. » Sully consacra de nouveau l’hérédité par l’établissement du droit annuel dit paulette, du nom du premier traitant Paulet, qui le prit à ferme.

En payant tous les ans le soixantième du prix de sa charge, le magistrat qui ne l’avait pas résignée en faveur d’autrui acquérait le privilège de la transmettre à ses héritiers ; ceux-ci avaient une année pour la vendre. Dans les provinces, diverses fonctions administratives et judiciaires, d’un ordre, il est vrai, assez subalterne, étaient reconnues héréditaires, comme par exemple, depuis l’édit de janvier 1583, les offices de gruyer, forestier, verdier, etc., depuis l’édit d’avril 1695, les charges de greffier dans les cours souveraines, les présidiaux et les bailliages. Cette hérédité assurait aux magistrats une indépendance dont on avait senti depuis longtemps le mérite et qu’on avait déjà en vue lorsqu’en 1483 on réclamait aux états-généraux de Tours la confirmation de l’irrévocabilité des charges de justice, Charles VIII, en consacrant cette année même par une ordonnance le vœu des états, disait « que, si le magistrat n’étoit inamovible, il ne seroit vertueux ni si hardi de garder et bien défendre les lois du royaume, et si seroit plus argut (subtil) et plus inventif de trouver exaction et pratique pour ce qu’il seroit tous les jours en doute de perdre son office. » La multiplication des charges vénales enfanta des abus qui rendirent en grande partie illusoire la garantie de l’inamovibilité. Les charges furent créées en si grande profusion, les attributions primitives qui y étaient attachées se divisèrent et se subdivisèrent en une telle multitude d’offices à vendre que les profits de chacun se réduisirent notablement. Ce fut le cas surtout pour les offices de finances, et le titulaire, afin de se couvrir de la somme qu’il avait payée, se laissait aller à des pratiques criminelles, usait de malversations et de fraudes. Les impôts rendaient peu ; les deniers n’arrivaient pas à la caisse de l’état. On crut remédier à ce mal par le système des fermiers et des traitans, déjà adopté depuis longtemps en certains lieux et pour des fractions restreintes des revenus du domaine. On continua de faire percevoir par les officiers royaux les tailles et les impôts supplémentaires, taillon, grande crue, qui étaient venus s’ajouter au principal de la taille. La totalité des impôts indirects et les monopoles, à savoir aides, gabelles, douanes, etc., ainsi que les droits domaniaux, furent affermés à des compagnies de traitans, qui