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ment qui renouvelle sans cesse la piété catholique. Si l’antiquité a légué à l’orthodoxie beaucoup de pratiques extérieures, elle n’en accroît point le nombre par d’incessantes adjonctions. À ce point de vue, il y a un singulier contraste entre l’Orient et l’Occident : les dévotions les plus populaires du dernier sont étrangères au premier. Un des résultats de cette différence, c’est que dans l’église gréco-russe le champ du surnaturel est sinon moins étendu, du moins plus rarement mis à contribution et plus facile à borner.


III.

Pour se rendre compte de l’efficacité morale et de la valeur politique d’un culte, c’est dans ses rites et ses pratiques religieuses, c’est dans les relations du prêtre et du fidèle qu’il convient surtout de l’étudier. Des modifications de discipline ou de rituel qui semblent à première vue de simples variantes liturgiques ont parfois sur l’esprit des peuples une influence plus considérable que de grandes divergences dogmatiques. Il suffit du changement des formes extérieures pour donner à des cérémonies en apparence identiques un caractère étranger et à deux églises un esprit différent. À cet égard, on ne paraît pas en Occident s’être rendu compte de l’intervalle que la diversité de leurs usages a mis entre les deux églises. Toutes deux ont les mêmes sacremens ; elles les entendent à peu près de la même manière ; elles les confèrent avec des rites ou dans des conditions qui sur la vie pratique leur donnent souvent une tout autre influence.

Avant tout, il est bon de remarquer que la situation respective des deux églises vis-à-vis de leur liturgie et de leurs usages réciproques n’est point identique. La défiance des Orientaux contre toute innovation religieuse ne leur saurait inspirer autant de tolérance pour les rites des latins que ceux-ci en montrent pour les leurs. L’église latine, qui plus d’une fois a sciemment corrigé ou simplifié les anciennes formes du culte, n’a point de motifs de répulsion pour les rites conservés par les grecs ; il lui est loisible de les proclamer saints et vénérables et d’en admettre la pratique chez les Orientaux qui consentent à reconnaître la suprématie romaine. La liturgie latine ne peut, dans sa forme actuelle, toujours inspirer le même respect ou la même confiance aux orthodoxes. Les rites qui dans le cours des siècles se sont modifiés en Occident leur paraissent souvent écourtés ou tronqués ; pour eux, telle simplification est une mutilation qui défigure le sacrement et en altère l’essence.

Des divergences de ce genre se rencontrent dans les deux principaux sacremens du christianisme et d’abord dans celui même