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qui confère la qualité de chrétien. Comme la primitive église, Constantinople et Moscou baptisent encore par immersion et mettent en doute la valeur du sacrement administré par ablution selon l’usage latin. Les Russes ont longtemps refusé aux Occidentaux le titre de baptisés; ils ne voulaient les appeler qu’aspergés, et montraient pour eux d’autant plus de répulsion que le droit des latins au nom de chrétien leur semblait plus douteux. Jadis les Russes, comme les Grecs, rebaptisaient les Occidentaux qui voulaient entrer dans l’orthodoxie. L’église de Constantinople le fait encore ; celle de Russie y a renoncé; les fiancées impériales, auxquelles leur conversion au culte grec ouvre l’accès des degrés du trône, sont dispensées de l’incommode cérémonie du bain baptismal. Cette différence de jurisprudence ecclésiastique est la seule divergence de quelque valeur qui se soit introduite entre l’église grecque et l’église russe. C’est là la principale des diversités dont se sont autorisés quelques théologiens romains pour faire malgré elles de l’orthodoxie russe et de l’orthodoxie grecque deux églises, deux confessions séparées. La question du second baptême des Occidentaux n’a jamais mis en péril la communion de la Russie avec le patriarche byzantin; un latin admis dans l’église de Russie est sans difficulté reçu dans la communion du patriarche, ce qui a fait dire à un Anglais que, pour entrer dans l’église grecque, un voyage à Pétersbourg tenait lieu de baptême à Constantinople. On pourrait s’étonner que les églises orientales n’aient point arrêté une discipline commune sur un point qui décide de la qualité même de chrétien, si l’on ne savait que l’orthodoxie gréco-russe n’a ni le même besoin, ni les mêmes moyens que le catholicisme romain de tout définir et de tout régler.

Des différences peut-être plus importantes parce qu’on a pu leur donner une portée morale et politique se retrouvent dans le second des deux principaux sacremens, l’eucharistie. L’église orientale l’entend à peu près comme les catholiques et l’administre à peu près comme les protestans. Elle croit à la présence réelle; comme d’habitude, elle a seulement moins que l’église latine précisé le mode et le moment du mystère, ce qui lui permet de se vanter de l’entendre d’une manière plus spirituelle. Chez les orthodoxes comme chez les protestans, la communion du fidèle est semblable à celle du clergé; selon le rite de l’église primitive, le peuple, comme le prêtre, a part à la fois au pain et au vin, au corps et au sang du sauveur[1]. Ce droit des laïques à la communion sous les deux espèces, qui nous paraît parfois insignifiant, a toujours eu beaucoup de prix

  1. Il y a dans le rite de l’eucharistie une autre différence fort agitée entre les deux églises, mais qui n’a qu’une valeur symbolique ; c’est l’usage du pain fermenté pratiqué par les grecs, repoussé par les latins.