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d’Apis vivant, que Psammétichus Ier avait décoré du colosse d’Osiris et qu’Hérodote a décrit. Ce temple se trouvait dans la ville même de Memphis, et il a été détruit comme les autres monumens de cette capitale, dont les matériaux ont servi à bâtir Le Caire. Ainsi le dieu avait deux habitations distinctes : l’une qu’il occupait pendant sa vie sous le nom d’Apis, l’autre où il reposait après sa mort sous le nom d’Osorapis ou de Sérapis. Il importe aussi de ne pas confondre le Sérapis égyptien, aussi ancien que le culte du taureau divin lui-même, puisqu’il n’est autre qu’Apis mort, avec le Sérapis des Grecs et des Romains, divinité hybride et bâtarde, fruit du mélange bizarre de deux conceptions d’origine différente, moitié égyptienne, moitié grecque. Il ne s’agit ici, bien entendu, que du Sérapis égyptien, divinité nationale antérieure à tout compromis, à toute confusion avec les cultes étrangers, et dont le dogme est aussi ancien que la civilisation pharaonique elle-même. M. Mariette se demanda quels faits nouveaux allait lui révéler cette tombe divine : elle aura dû, pensait-il, être violée par les chrétiens; mais, si les richesses qu’elle renfermait dans son sein lui ont été arrachées avant l’envahissement définitif des sables, les violateurs auront sans doute épargné les trésors archéologiques et historiques, bien autrement précieux que l’or et l’argent. Champollion avait dit que Sérapis était à la fois Osiris et Apis; saint Clément, que le nom même de Sérapis était formé des mots Apis et Osiris ; Phylarque enfin associait aussi ces deux divinités. Le Sérapéum de Memphis devait donc être la tombe d’Apis, c’est-à-dire le lieu de sépulture de tous les taureaux qui s’étaient succédé dans le temple de cette ville pendant le cours des siècles pharaoniques, et qui n’étaient autre chose que l’incarnation perpétuelle d’Osiris, le dieu bon, le dieu fécond, nourricier et à la fois protecteur de l’Egypte. Ce n’était encore qu’une hypothèse, mais elle s’imposait déjà à l’esprit du jeune chercheur avec la force impérieuse d’une conviction. Il avait acquis la certitude d’une révélation prochaine. Il ne savait pas que le désert la lui disputerait deux années entières !

Le lendemain du jour où le sanctuaire funèbre d’Apis était apparu comme en songe à M. Mariette, le soleil levant, Horus lui-même, comme il disait, le surprit avec une vingtaine de fellahs, les uns la pioche à la main, les autres la couffe sur la tête, creusant le sable du désert et allant le jeter au loin dans une ronde sans fin, s’encourageant eux-mêmes au travail par leurs chants nationaux, mélodies traditionnelles qui ont dû accompagner leurs premiers pères quand, sous le bâton des reîs de Chéops, ils bâtissaient les pyramides. — Le travail des fouilles commença le 1er novembre 1850,

Un second sphinx sortit de son linceul, montrant sur ses flancs les mêmes noms, Apis et Sérapis, gravés, à la mode des écoliers.