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s’avançant sur Lunéville et Nancy, déjà relié au prince Frédéric-Charles.

Pendant ce temps en effet, la IIe armée, qui avait débouché par Sarreguemines, s’était avancée de son côté, inondant la Lorraine de ses masses, poussant un de ses corps, le IVe à l’ouest des Vosges, vers Sarre-Union, pour se rejoindre à l’armée d’Alsace, et le reste de ses forces, la garde, les IIe, IIIe, IXe, Xe et XIIe corps, droit sur Pont-à-Mousson par Faulquemont. A son tour, la Ire armée, s’ébranlant la dernière, malgré l’impatience du vieux Steinmetz, que M. de Moltke avait quelque peine à contenir, la Ire armée se mettait en mouvement et, avec ses trois corps, serrait Metz de plus près ; elle était le 13 sur la Nied, tandis que ce jour-là la IIe armée avait déjà dépassé Faulquemont et se hâtait vers Pont-à-Mousson pour s’emparer des passages de la Moselle. Jusque-là au camp prussien on ne savait au juste ce qu’était devenue l’armée française. On avait cru d’abord la rencontrer sur la Nied, puis on l’avait vue disparaître, et on en était à se demander si elle ne se serait pas dérobée au-delà de la Moselle. Ce n’est qu’en arrivant sur les hauteurs de la Nied que le Ire et le VIIe corps prussiens pouvaient voir « se dérouler le vaste panorama » des campemens français établis sur la rive droite de la Moselle en avant de Metz. Il n’y avait pas plus de 15 kilomètres de distance.

Ainsi on se retrouvait en présence. Les Allemands se rapprochaient d’heure en heure ; l’armée française, successivement ramenée par une retraite, laborieuse, concentrée depuis deux jours en avant de Metz, formait une sorte d’arc de cercle sur les coteaux de la rive droite de la Moselle, plus ou moins protégée par les forts avancés de Queuleu et de Saint-Julien, dominant les routes de Strasbourg, de Sarrebruck, de Sarrelouis. Le maréchal Canrobert, qui venait d’arriver avec son 6e corps incomplet, tenait la droite à Montigny, entre la Seille et la Moselle, au-dessus de Metz. Au centre, en avant de Borny, des crêtes de Peltre au ravin de Vallière, s’étendaient les divisions du 2e et du 3e corps. Le 4e corps de Ladmirault formait la gauche en avant du fort Saint-Julien. La garde était en arrière. C’est là ce que les Prussiens avaient aperçu des hauteurs de la Nied. On se touchait presque, et les reconnaissances de l’ennemi venaient jusque sur nos avant-postes. Malheureusement entre ces deux adversaires, séparés à peine par quelques kilomètres, il y avait une redoutable différence. Les Prussiens savaient maintenant où étaient les Français, ce qu’on savait de notre côté sur les Prussiens se réduisait aux renseignemens les plus incertains. On ne connaissait ni l’importance de leurs forces ni la direction et les progrès de leurs mouvemens, et jusqu’à la dernière heure, jusqu’à l’heure où l’on allait être attaqué, on prétendait naïvement que « les reconnaissances n’avaient signalé la présence d’aucun corps. » L’armée