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porte ne soit ni fermée ni ouverte, c’est, à ce qu’il paraît, le triomphe de la politique pour les raffinés ; c’est le dernier mot de certains partis tout entiers à leur mauvaise humeur, à leur dépit ou à leurs fantaisies agitatrices bien plus qu’aux affaires nationales. Depuis quelque temps surtout, ils se sont remis en campagne, comme s’ils craignaient que cette malheureuse nation ne vînt à s’apaiser trop vite dans le recueillement et dans le travail, comme s’ils tenaient à rappeler incessamment que, s’ils ne peuvent rien faire par eux-mêmes, ils peuvent du moins essayer de tout empêcher.

À vrai dire, si ce n’était la France et tout ce qu’elle a souffert et tout ce qu’elle peut souffrir encore, s’il ne s’agissait pas des intérêts les plus sérieux, ce serait un spectacle qui ne laisserait pas d’être comique ; on s’amuserait presque de cette stratégie de certains partis autour d’un gouvernement dont ils sont occupés à faire le siège, qu’ils voudraient confisquer à leur profit et qui leur échappe, qui est nécessairement conduit par la force des choses à jouer son rôle de gouvernement en faisant de son mieux pour se dégager de toutes ces solidarités compromettantes. Ils sont là, bonapartistes et légitimistes, tour à tour doucereux ou provocans, donnant la comédie de leurs manifestations et de leur diplomatie, harcelant de leurs flatteries, de leurs menaces ou de leurs interprétations subtiles un pouvoir réduit à se défendre par des affirmations toujours nouvelles, par les déclarations les plus nuancées. C’est là toute la politique aujourd’hui à cette fin de session ; c’est la question qui apparaît partout, dans l’interpellation de M. Challemel-Lacour à propos de la loi des maires comme dans la proposition de M. Dahirel, dans la discussion sur la prorogation des conseils municipaux comme dans les interminables délibérations de la commission des trente. La situation serait cependant assez simple, si on le voulait. Il y a cinq mois, on crée un gouvernement pour sept ans, et, comme pour couper court à toute incertitude, il est expressément entendu que cette durée de sept ans est dès le jour du vote définitive, irrévocable. Ce n’est pas tout : M. le président de la république prend lui-même le soin d’expliquer qu’il ne comprendrait pas le pouvoir qu’on va lui confier sans des lois constitutionnelles destinées à l’affermir, à le régulariser et à lui donner les moyens de vivre. « Je dois désirer plus que tout autre, dit-il dans un message, que les lois constitutionnelles nécessaires pour déterminer les conditions d’exercice des pouvoirs publics soient discutées prochainement et l’assemblée voudra certainement exécuter sans retard la résolution qu’elle a déjà prise sur ce point. » Sept ans, c’est sept ans en bonne arithmétique, direz-vous ; de plus voter le septennat en pleine connaissance des conditions qu’y mettait M. le président de la république, c’était moralement s’engager à réaliser sans retard, prochainement, ces conditions. Quoi de plus simple à première vue pour les esprits sincères ? C’était, sous une forme nouvelle, une trêve prolongée des par-