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tisme. Il n’avait pas le langage si fier, il ne publiait pas le bulletin de ses succès, il n’allait pas faire des pèlerinages en Angleterre lorsqu’il y a trois ans, le 1er mars 1871, à Bordeaux, l’empire, frappé de déchéance par l’assemblée, trouvait à peine cinq ou six voix fidèles. Il était alors sous le poids des désastres qu’il venait d’attirer sur le pays, qui parlaient à tous les cœurs, qu’on était réduit à expier et à payer de la fortune nationale, de deux provinces, d’une occupation étrangère, après avoir arrosé pendant six mois de torrens de sang nos campagnes jusqu’à la Loire, à la Sarthe et à la Saône ! Maintenant qu’on a réparé à demi ce qui était réparable dans ses œuvres, maintenant que la France a recommencé à respirer, il est rentré en scène, exploitant habilement les excès révolutionnaires des uns, les divisions, les tergiversations des autres, l’incertitude universelle, et c’est pour sûr une fatalité du 24 mai d’avoir eu besoin de ce concours pour s’accomplir. Le bonapartisme se croit évidemment aujourd’hui en mesure de se réhabiliter, de faire oublier son passé, du 2 décembre à Sedan, de se poser à son tour en candidat pour les « destinées futures, » pour le gouvernement définitif. Il se trompe gravement sans doute, il n’est pas encore maître de la maison au point de dire aux autres d’en sortir ; mais il le croit, il s’en vante, et, en bon prince qu’il est, il prend même des airs protecteurs à l’égard du gouvernement ; il n’oublie pas le maréchal de Mac-Mahon, « ancien compagnon des gloires et des malheurs » de Napoléon III. Le maréchal de Mac-Mahon, à qui on affecte de rappeler qu’il porte le titre de duc de Magenta, a son rôle tout tracé dans les vues bonapartistes ; il protège de son épée l’ordre matériel. On a dans sa loyauté « un sûr garant qu’il ne laissera pas exposé aux surprises des partis le dépôt qu’il a reçu. » Bref, le maréchal de Mac-Mahon est chargé de tenir une place qu’on ne voudrait pas voir occupée par d’autres. S’il le faut, on sera accommodant, on ne disputera pas même sur les sept années, sauf le chapitre des a incidens imprévus et divers » qui peuvent survenir. Que M. le président de la république garde la place jusqu’à « l’heure venue, » qu’il ne s’inquiète pas du reste, qu’il ne s’occupe pas surtout de lois constitutionnelles qui ne serviraient qu’à donner une illusion du définitif : on l’entourera de respects, on le soutiendra contre les royalistes, contre les libéraux et les républicains. C’est là le genre d’appui que, dans le camp bonapartiste, on promet au septennat. On l’aime jusqu’à l’étouffer au moment voulu, et d’abord pour s’en servir si on le peut, pour obtenir de lui une sorte de rentrée en possession inaperçue et régulière de tous les emplois qui donnent le crédit et l’influence.

Que font de leur côté les légitimistes absolus qui se sont engagés depuis quelque temps dans une si étrange campagne ? Ils jouent à l’égard du septennat le jeu des bonapartistes, mais avec une connaissance bien moins sûre du terrain et sans avoir l’avantage de pouvoir se servir