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C’est au gouvernement de donner aujourd’hui la direction, l’impulsion, non de l’attendre des partis déçus, divisés et inquiets. Le terrain sur lequel il peut se placer et agir est naturellement indiqué par ces lois constitutionnelles qui sont l’expression d’une pensée d’organisation nécessaire et loyalement promise, selon le mot de M. de Fourtou. Ces lois, on ne peut plus évidemment les ajourner désormais, elles sont pour ainsi dire le programme inévitable de la session qui se rouvrira au mois de mai. La loi électorale, après un enfantement laborieux, a fini par être présentée. Ces jours derniers, M. le duc de Broglie traçait à grands traits devant la commission des trente l’ébauche d’une chambre haute telle qu’il la comprend. Il y a ici du moins un avantage, c’est que la plupart des points principaux sont admis, presque universellement acceptés. Ainsi, malgré une certaine minutie de formalités probablement assez inefficaces, le suffrage universel n’est point mis en question dans le projet de loi électorale. La nécessité d’une seconde chambre n’est pas contestée. Il reste encore, il est vrai, la question du pouvoir exécutif avec ses conditions d’existence et de transmission. C’est là, on le sent bien, la difficulté, le point délicat. Pourquoi chercherait-on à l’éviter ? On n’évitera rien, il faudra bien y arriver, et le mieux est de s’en tenir à la solution pratique et possible à l’heure actuelle. C’est dans la discussion et dans le vote de ces grandes mesures de réorganisation politique que peut se refaire cette alliance des fractions modérées de l’assemblée qui, après avoir constitué et régularisé le régime nouveau, en demeurerait la garantie. Il y a bien des raisons pour qu’on n’hésite plus, et la première, celle qui domine toutes les autres, c’est qu’on en aura fini pour assez longtemps avec toutes ces questions qui prolongent une incertitude énervante en laissant aux prises toutes les passions, en tenant en éveil toutes les espérances. On aura créé une certaine fixité, donné un cadre à la vie publique, des armes au gouvernement, et découragé des ardeurs, des prétentions de partis qui s’éteindront dans un pays pacifié, rendu à la sécurité et au travail. Tant que ces problèmes ne sont pas résolus, si sûre que soit la parole de M. le président de la république, elle ne peut être que le gage des bonnes intentions de M. le maréchal de Mac-Mahon, elle ne peut suppléer à une organisation légalement et irrévocablement consacrée. Qu’en résulte-t-il ? La situation économique du pays est la première à ressentir le contre-coup de ces incertitudes. L’esprit d’industrie hésite à s’engager dans de vastes entreprises, les ateliers se dépeuplent, le travail se ralentit. Une des expressions les plus significatives de cette stagnation est certainement la diminution sensible de notre commerce au commencement de cette année. Nos exportations ont faibli de 60 millions au mois de janvier. Or il faut toujours en revenir là : si les ressources créées par le travail diminuent à mesure que les charges s’alourdissent, comment les crises économiques ne s’aggraveraient-elles pas ? Et comment l’activité