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et à Monvillé, a été obligé de se replier, partie vers le vieux camp, partie vers le faubourg de Balan, aux portes de la ville. Les événemens se pressent. Alors deux scènes bien différentes se passent au quartier-général de Wimpfen et à Sedan même.

Le général de Wimpfen avait-il le sentiment de la gravité croissante des choses, de la réalité de sa situation ? Toujours est-il qu’au moment où il n’y avait plus d’espoir, où une partie de l’armée s’effondrait sur le plateau d’Illy, entre une heure et deux heures, il concevait l’idée la plus étrange ; il voulait, disait-il, « forcer la ligne qui se trouve devant le général Lebrun et le général Ducrot, » pour se porter sur Carignan, et il écrivait à l’empereur : « Que votre majesté vienne se mettre au milieu de ses troupes, elles tiendront à honneur de lui ouvrir un passage. » En même temps ordre était envoyé à Ducrot et à Douay d’arriver et de couvrir la marche. Ainsi le matin Wimpfen arrêtait le mouvement vers Mézières, et maintenant, après sept heures de combat sanglant, en présence de forces qui semblaient grossir à chaque instant, il parlait de percer par Carignan, d’où l’on était arrivé la veille, pour échapper à l’ennemi ! S’il avait la puissance de s’ouvrir un passage, pourquoi rétrogradait-il depuis le matin ? Avec quoi voulait-il tenter son aventure désespérée ? Ducrot ne connaissait, je crois, cet ordre qu’en entrant à Sedan, et Douay le recevait sur le plateau, lorsqu’il venait d’échouer dans sa dernière tentative pour reprendre Illy. Wimpfen attendait toujours cependant l’arrivée de l’empereur ; il s’agitait, mettant sa dernière espérance dans une entreprise chimérique. Wimpfen semblait ignorer ce qui se passait autour de lui, à quelques pas de lui, dans cette malheureuse ville dont il n’était séparé que par des murs.

Ce qui se passait à Sedan, c’était le drame de la déroute dans sa sinistre réalité. A mesure que les minutes s’écoulaient, les troupes débandées affluaient et se répandaient partout. Les obus, venant de tous les côtés, tombaient sur les remparts, dans les rues, sur les places, et faisaient des trouées dans les foules surexcitées ou hébétées de terreur. Ducrot, Douay, Lebrun, arrivaient successivement avec le désespoir de la défaite, craignant de pressentir le dénoûment de tout cela. Placé au milieu de ces désastres, entendant l’effroyable canonnade qui sévissait, voyant les victimes se multiplier, l’empereur ne songeait guère à répondre aux propositions héroïques de Wimpfen ; déjà résigné à tout avec le fatalisme passif de son caractère, il n’avait pour le moment d’autre idée que d’arrêter l’effusion du sang, et il faisait hisser le drapeau blanc parlementaire entre trois et quatre heures. Ce n’était point évidemment son droit puisqu’il ne commandait pas, et le chef d’état-major, le