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me prit pour un légitimiste et écrasa une larme en me montrant un petit canon de son prince. Je lui ai payé cette larme d’un franc au-dessus du tarif, bien que je me sente peu de vocation à subventionner le carlisme. » A Bordeaux, il se réjouit d’avoir pu « étudier dans l’original et au sortir de la cave ces grands maîtres nommés Laffitte, Mouton, Pichon, Larose, Margaux, Branne, Armillac, etc., » qu’en Allemagne on ne connaît généralement que par de mauvaises translations. Il est ravi de son tour dans les Pyrénées, mais ce sont surtout les bains de Biarritz et de Saint-Sébastien qui font son bonheur. Il « s’y voue tout entier au soleil et au sel de mer, » il y oublie la politique et n’y connaît ni journaux ni dépêches. C’est à ce moment (fin septembre 1862) qu’il reçoit de son souverain l’appel pressant de venir à Berlin. Les élections avaient donné un résultat déplorable, l’immense majorité de la nouvelle chambre appartenait aux progressistes. On n’avait pu se décider à Berlin sur le choix du président du futur ministère, — « du couvercle pour le pot gouvernemental, » comme s’exprime M. de Bismarck ; — il devait remplir ces fonctions par intérim en prenant le portefeuille des affaires étrangères. Brûlé par les rayons du midi et fortifié par les ondes du golfe, « hâlé et salé, » l’ancien aspirant à la charge d’intendant des digues dans un district de la Marche se mit en route pour son pays afin d’y occuper la première place dans l’état. Il ne fit pour ainsi dire que traverser cette fois Paris, mais il s’y arrêta assez pour y laisser un mot caractéristique et qui résumait tout son programme. « Le libéralisme, dit le chef désigné du gouvernement de Prusse en prenant congé dans les bureaux du quai d’Orsay, le libéralisme n’est qu’une niaiserie qu’il est facile de mettre à la raison ; mais la révolution est une force, et il faut savoir s’en servir. »


JULIAN KLACZKO.