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était de loisir, empruntait la plume du fellow pour écrire des dissertations sur Homère ou sur la théologie. D’autres encore ont prétendu que M. Gladstone entretient des relations suivies avec Munich et le docteur Döllinger, et qu’il avait promis à ses amis d’Allemagne de saisir la première occasion pour provoquer dans le royaume-uni un schisme vieux-catholique. Si nous interrogeons M. Gladstone lui-même, il nous dira qu’il a entrepris une polémique qui n’était pas dans ses goûts, pour remplir un impérieux devoir de conscience, et nous n’avons pas de peine à l’en croire. Il n’a pu se mettre en règle avec sa conscience sans encourir les reproches de son parti, dont il compromettait les intérêts en lui aliénant les voix des catholiques. Il a résigné son leadership, ses fonctions de chef de l’opposition dans la chambre des communes, et un tel sacrifice a dû lui coûter. Il peut se dire pour se consoler qu’aucun discours prononcé par lui au parlement comme leader du parti libéral n’aurait pu produire en Angleterre plus d’émotion que sa brochure théologico-politique, dont il s’est vendu près de 200,000 exemplaires. Les réponses ne se sont pas fait attendre, elles se sont multipliées à l’infini. Il a répliqué à son tour ; mais cette controverse n’a produit jusqu’à ce jour ni lois Falk, ni aucune mesure de rigueur, elle n’a causé l’emprisonnement de personne. M. Gladstone considère la doctrine de l’infaillibilité comme dangereuse pour l’état, il a signalé le péril, c’est à l’opinion publique qu’il s’en remet du soin de le conjurer.

Bien que le catholicisme ait réussi à s’organiser fortement dans toute l’étendue du royaume-uni, bien qu’il y construise partout des monastères et des églises, des hôpitaux, des collèges et des écoles, bien que les jésuites s’y livrent en pleine liberté à une active propagande, qui a su se créer des centres d’action jusque dans l’armée et la marine, les catholiques ne constituent qu’un sixième de la population, et cette proportion ne tend pas à changer. Chaque année, dit-on, ils se renforcent d’un ou deux milliers de conversions opérées surtout dans les classes moyennes ; mais ce renfort est plus que compensé par l’accroissement rapide de la population protestante et par l’émigration irlandaise. Si le catholicisme anglais n’est pas assez puissant pour se faire craindre, il est assez habile pour désarmer par sa conduite les animosités dont il était autrefois l’objet. Il n’affecte point des allures sectaires, il ne fait pas bande à part, il s’accommode de toutes les libertés anglaises, et il en use à son avantage. Il a l’humeur concluante, il entre volontiers en communication avec l’hérésie, même avec la libre pensée, il n’anathématise personne, il interroge et il discute. On assure que M. Manning, archevêque de Westminster, est l’un des habitués les plus assidus du Metaphysical Club, qu’il y dîne souvent en compagnie du rationaliste et positiviste M. Spencer, et qu’il aime à conférer avec lui sur quelques points de haute métaphysique. Ceux qui connaissent M. Manning affirment que, s’il faisait partie d’une académie et que M. Spencer en devînt