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toutes les lois qui s’accumulent devant elle et à subir de bonne grâce la nécessité d’une dissolution prochaine ? Garde-t-elle au contraire l’arrière-pensée de prolonger sa vie le plus longtemps possible, de laisser passer les jours et les semaines pour arriver sans bruit au moment où la passion des vacances tranchera la difficulté, où il ne restera plus qu’à s’ajourner à une session d’hiver ? Le gouvernement lui-même a-t-il une opinion arrêtée sur le système de conduite qu’il se propose de suivre, sur ce qu’il peut et ce qu’il doit conseiller ? En vérité, ce sont là des questions qui auraient besoin d’être éclaircies. Disons le mot : personne ne semble pressé de prendre un parti ; tout le monde a l’air de mettre une certaine complaisance à éviter les explications décisives. Dans tous les camps, il y a une apparence de diplomatie embarrassée, et, comme il arrive le plus souvent lorsqu’il n’y a ni une situation définie, ni un but avoué, ni une direction précise, on se perd dans les incidens et les diversions, dans les débats rétrospectifs et les combinaisons de fantaisie ou les intrigues. On passe trois jours à discuter sur une élection, comme celle des Côtes-du-Nord, sans remarquer que la question n’est plus entière depuis que les élections partielles ont été supprimées et qu’il n’y a plus moyen d’appeler un département à confirmer ou à modifier son vote. On épie l’occasion de cette maussade affaire de l’élection de la Nièvre, qu’on tient en suspens depuis plus d’un an, qui a créé plus d’embarras qu’elle ne valait, et sur laquelle il y a toujours un rapport à présenter. D’habiles stratégistes de couloirs persistent à s’occuper chaque matin à rejoindre des fragmens de partis pour recomposer une majorité qui s’évanouit chaque soir entre leurs mains. Les opinions se mêlent ou se heurtent dans des discussions tour à tour écourtées ou inutilement passionnées, dont on est réduit à chercher le secret. En d’autres termes, on fait de la politique sans ordre, sans suite, et l’assemblée, plus que jamais divisée, touche à cette période où, ne sachant plus ni vivre ni mourir, elle se débat dans une inaction agitée, allant au hasard, votant à l’aventure, ayant toujours l’air d’attendre quelque circonstance mystérieuse qui pourra l’aider à prendre une résolution. L’inconvénient de cette situation, c’est que, n’ayant rien de mieux à faire, l’assemblée emploie quelquefois assez dangereusement son temps, et que, gardant jusque dans son déclin le sentiment vague de son omnipotence, elle se croit tout permis, bouleversant d’une main légère les principes les plus élémentaires de droit civil ou les conditions les plus essentielles de gouvernement.

Que l’assemblée tienne avant tout à mettre sur son testament la loi de l’enseignement supérieur, qu’elle hâte la troisième lecture d’où cette loi doit sortir définitivement consacrée, rien de mieux, pourvu cependant qu’elle ne pousse pas jusqu’au bout cette tentative de transformer pour la circonstance les diocèses en personnes civiles et d’affaiblir l’état