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dans son rôle social, dans son droit de conférer l’investiture des diplômes publics. Ce serait certainement exposer la liberté même de l’enseignement supérieur en déposant dans la loi un principe d’instabilité et de conflit, un abus d’autorité parlementaire qui appellerait un jour ou l’autre quelque réaction, sans compter que c’est l’avenir intellectuel de la France qui est en jeu. — Que l’assemblée se complaise à faire enquêtes sur enquêtes, qu’elle procède tantôt comme un tribunal ou comme un bureau supérieur de la préfecture de police, tantôt comme une commission historique, soit encore, elle a eu, depuis qu’elle est née, la vocation des enquêtes. Malheureusement il est trop clair qu’elle finit par se perdre dans ses enquêtes et par tomber dans des excès de prépotence parlementaire ou dans de véritables minuties. Depuis quelque temps particulièrement l’assemblée prend plaisir à toutes les indiscrétions, elle a le goût des commérages et elle introduit dans la politique des procédés, des usages qui peuvent être le triomphe ou l’amusement des partis, mais qui peuvent aussi assurément compromettre les intérêts les plus sérieux. On divulgue tout, on se bat dans le parlement à coups de révélations et de petits papiers. On vide le portefeuille de la défense nationale, et on livre à la curiosité goguenarde du public toutes ces dépêches intimes qui sont à coup sûr une photographie curieuse, quoique vulgaire et monotone, de ce monde révolutionnaire. On met la main sur des dépêches confidentielles échangées entre M. le procureur-général de Rennes et M. le garde des sceaux à propos de l’élection des Côtes-du-Nord, et aussitôt ces dépêches plus ou moins compromettantes sont livrées à tous les vents ; une commission les prend en considération ; et il faut vraiment un vote pour décider qu’on ne lira pas tout haut, en pleine assemblée, des pièces qui n’ont d’autre origine qu’une indiscrétion suspecte déférée à la justice ! On fouille les archives de police et de procédure tout bonnement pour arriver à faire un rapport sur l’élection de la Nièvre, et tout cela semble on ne peut plus simple ; c’est surtout édifiant.

Fort bien, les partis y trouvent leur compte à tour de rôle. Naturellement, quand les révélations atteignent le gouvernement ou les conservateurs, ce sont les républicains qui applaudissent, qui encouragent et qui trouvent qu’on ne publiera jamais assez. Quand les dépêches de la défense nationale dévoilent les vulgarités et les convoitises ou les excès révolutionnaires, ce sont les conservateurs qui triomphent, qui battent des mains. Chacun a son tour, et on ne voit pas qu’à ce jeu on ruine tout, on déconsidère tout aux yeux du public, on rend tout gouvernement impossible. Évidemment il n’y a plus de liberté de communication entre les fonctionnaires et les ministres lorsqu’il n’y a plus de sûreté. Les procureurs-généraux, les préfets, ne diront plus rien, ils garderont pour eux leurs impressions, et ils se borneront à des rapports officiels