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à la gauche, elle a fait là en vérité une triste campagne. Dès qu’elle s’est vue à peu près vaincue, elle a déserté la lutte, elle a voulu protester par une abstention révolutionnaire, et même un certain nombre de membres de l’opposition ont fait mine un moment de vouloir donner leur démission. Le président de la chambre, M. Biancheri, qui est un homme prudent et sachant son monde parlementaire, ne s’est point hâté de divulguer ces résolutions extrêmes ; il a laissé le temps de la réflexion à ces impétueux agitateurs de parlement, qui ont fini par être quelque peu embarrassés d’un rôle devenu presque ridicule, et, tout en restant député, M. Tajani en a été quitte pour aller chercher à Naples une espèce d’ovation assez médiocre auprès de quelques étudians en quête d’une occasion de manifestation. La fin de l’aventure a été un véritable soulagement pour le pays tout entier. Si elle a causé quelque dépit aux vaincus de cette lutte parlementaire, elle a laissé peut-être aussi un sentiment pénible chez les vainqueurs, attristés d’avoir à livrer de telles batailles, même à gagner de telles victoires.

Que voulaient-ils donc, ces députés siciliens et la gauche qui les a soutenus ? S’ils avaient réussi, ils laissaient le gouvernement désarmé devant le brigandage ; ils perpétuaient pour l’Italie ce danger d’une anarchie provinciale dont les héros sont des malandrins, qui est une humiliation pour l’unité nationale et un thème inépuisable pour tous les ennemis du nouveau royaume. Que quelques députés siciliens, — pas tous, car il y en a qui soutiennent le gouvernement, — que ces députés, égarés par une imagination effervescente et par le goût d’une popularité suspecte, se soient jetés à corps perdu dans une telle campagne, on le comprend encore jusqu’à un certain point ; mais que voulait la gauche en s’associant à cette guerre de représailles personnelles ou d’animosités locales ? Elle a sûrement joué dans cette aventure son crédit et ses chances comme parti aspirant au gouvernement ; elle a montré une fois de plus ce qu’elle est, ce qu’elle peut offrir au pays, si elle arrivait au pouvoir. Voilà un parti dont la politique extérieure se réduit à faire de l’Italie l’adversaire haineuse de la France, la feudataire de l’Allemagne, et dont l’idéal en fait de politique intérieure consiste à énerver la répression du brigandage ! Garibaldi lui-même, présent à Rome et toujours occupé des travaux du Tibre, pour lesquels on vient de voter des fonds, Garibaldi a refusé de suivre la gauche ; il s’est borné à écrire une lettre assez tiède, de pure forme à ce qu’il semble, en s’abstenant de paraître dans ces discussions à la fois orageuses et impolitiques.

Heureusement pour elle, l’Italie a eu dès l’origine un parti sensé, sérieusement politique, plus libéral et plus national que tous les révolutionnaires, assez habile et assez résolu pour défendre, son œuvre. C’est par lui que l’Italie s’est faite, c’est par lui qu’elle se soutient. En lui vit ce sentiment de l’unité nationale auquel M. Nigra, le représentant du roi Victor-Emmanuel à Paris, vient de donner la forme lyrique