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où l’esprit provincial survivait partout et presque partout dominait encore, René concevait, aimait et respectait une patrie plus large que ses possessions propres. C’est ainsi qu’au début du règne de Charles VII, tout jeune encore, presqu’en tutelle, sollicité par les présens et les flatteries d’Henri VI d’Angleterre, poussé vers l’alliance anglaise par l’exemple de son beau-père, le duc de Lorraine, et à son insu, malgré lui-même, enfin presque engagé dans cette alliance par son oncle, le cardinal de Bar, René résistait à toutes les pressions, déjouait toutes les trames, et courait fièrement prendre sa place dans l’armée royale, à côté de Charles VII et de Jeanne d’Arc. C’est ainsi encore que plus tard, lorsque la « ligue du bien public » menaçait la couronne du nouveau roi, de son neveu Louis XI, alors que le fils même de René se joignait aux rebelles, le vieux prince restait inébranlable dans sa fidélité au suzerain et à sa grande patrie, mettait son devoir avant sa famille, délaissait son fils pour son roi, et n’employait tout son pouvoir qu’à protéger celui par qui un jour il devait être dépouillé.

Voilà les véritables traits, les traits essentiels et trop peu connus de cette curieuse et intéressante figure. Le nouvel ouvrage de M. Lecoy de La Marche a le grand mérite de les mettre en pleine lumière. En lisant ces pages bourrées de faits et de renseignemens fondés sur les documens les plus sûrs et souvent les plus nouveaux, on voit un René d’Anjou tout autre que le René de la tradition : non plus un prince élégiaque, amolli, dolent, mais un souverain plein de nobles ardeurs, un caractère tout de contrastes et de singuliers mélanges, — prodigue souvent et besoigneux d’argent, économe aussi et ménager des deniers de ses peuples, amoureux des plaisirs, du luxe, voluptueux même parfois, souvent aussi, lorsque les circonstances l’exigent, téméraire au danger, dur à la fatigue et aux privations, enfin hésitant et indécis dans quelques occasions, dans la plupart au contraire plein d’énergie, de fermeté loyale et convaincue. Pour tout dire d’un mot, René est un Valois, avec toutes les qualités et avec quelques-uns des défauts de sa race. Ce surnom de bon roi René que lui a donné l’histoire, il le méritait bien, mais non pas avec cette nuance de dédain qu’y attache la malice française. On le connaît mieux, on le connaît bien lorsqu’on a lu le livre de M. Lecoy de La Marche ; tous ceux-là doivent en être reconnaissans à l’auteur qui aiment l’histoire précise, sérieuse et sincère.


F. AUBRY-VITET.


A Peep at Mexico, narrative of a journey aeross the republic from the Pacific to the Gulf, by John Lewis Geiger ; Londres 1874.


Du vaste pays mexicain, une faible partie seulement est bien connue. Si la ville de Mexico et toute la contrée depuis le golfe jusqu’au plateau